En mi-juillet 2024, la situation politique et sécuritaire au Sahel a été présentée au conseil de sécurité de l’ONU par le représentant spécial du secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest. Des inquiétudes selon le représentant et certains pays mais des avancées selon d’autres pays.
« Ce matin, M. Leonardo Santos Simão, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest, a présenté au Conseil de sécurité un diagnostic d’une région en proie à des défis sécuritaires et humanitaires ainsi qu’à un manque de coopération suffisante entre les États pour y faire face efficacement. Le Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) a informé les délégations des retards imposés par les régimes de transition au retour à l’ordre constitutionnel, faisant craindre une incertitude prolongée, notamment dans les pays du centre du Sahel, tout en se félicitant par ailleurs des développements politiques dans plusieurs États côtiers de la région. Lors de leurs interventions, certains membres ont déploré le manque d’occasion pour le Conseil de sécurité de discuter de la situation dans la région, tout en soulignant la pertinence de la déclaration présidentielle du 24 mai 2024 qui réaffirme l’engagement du Conseil aux côtés de l’UNOWAS.
M. Simão s’est montré préoccupé d’une situation socioéconomique marquée par une croissance au ralenti ainsi que de l’instabilité politique et sécuritaire. Il a ainsi rappelé que quelque 7 millions de personnes sont déplacées ou ont fui dans les pays voisins et que des millions de personnes dépendent de l’aide humanitaire, alors que le plan de réponse humanitaire des Nations Unies n’est financé qu’à hauteur d’environ 15%. Les États-Unis, qui ont mis en avant leur contribution de près de 10 millions de dollars d’aide d’urgence, ont exhorté l’ONU, les membres du Conseil, les organisations régionales et les pays de la région à donner davantage, avant de rappeler « l’immense catastrophe humanitaire au Soudan », où le conflit, ont-ils mis en garde, menace de dégénérer en une nouvelle crise régionale.
Sur le plan politique, le Représentant spécial a salué les succès démocratiques remarquables, la gouvernance démocratique et la résilience des populations de Mauritanie, du Sénégal et du Ghana. Il a toutefois regretté le faible nombre de candidatures féminines aux fonctions électives, exhortant les pays de la région à adapter leurs cadres législatifs et les modalités de mise en œuvre de ceux-ci afin que davantage de femmes aient une chance d’occuper des postes de direction à tous les niveaux.
M. Simão a en outre observé que l’espace politique et civique continue de se réduire dans les pays en transition. Les autorités de ces pays ont retardé le retour à l’ordre constitutionnel, faisant craindre une incertitude prolongée, s’est alarmé le Représentant spécial, prenant à témoin des organisations de défense des droits humains qui font état d’exactions contre des civils, de nouvelles législations et politiques qui limitent les libertés civiles, des allégations de violations des droits humains enracinant les clivages communautaires. Selon le Chef de l’UNOWAS, les questions de justice et d’obligation de rendre des comptes sont au cœur de nombreux conflits dans la région. Il a cité en exemple la Guinée où, 15 ans après la répression militaire brutale du 28 septembre 2009, le procès en cours met en lumière les profondes fractures sociétales et le désir de justice et de réconciliation.
M. Simão a aussi noté que les Gouvernements des trois États du Sahel central –Mali, Burkina Faso et Niger- continuent d’affirmer que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ne sert plus leurs intérêts et ont en conséquence réduit leur participation aux mécanismes régionaux de coopération en matière de sécurité, alors même que le terrorisme et la criminalité transnationale organisée restent une menace omniprésente et se propagent davantage aux pays côtiers. Cela se ferait au détriment des deux parties, a-t-il averti. De ce fait, il a appelé à soutenir l’Initiative d’Accra et mettre en œuvre la résolution 2719 (2023) visant à soutenir les opérations de paix dirigées par l’Union africaine. « C’est en parlant d’une seule voix, en interagissant avec les gouvernements et les partenaires à différents niveaux, que nous pouvons avoir un impact significatif et durable », a-t-il insisté, appelant la CEDEAO et les dirigeants régionaux à préserver l’unité régionale.
Les A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana) ont exhorté le Conseil à se pencher sur la détérioration de la situation sécuritaire dans la région avant de plaider « pour des solutions politiques et l’unité de la région ». Les pays en cours de transition (Burkina Faso, Guinée, Niger, Mali) doivent respecter les calendriers électoraux afin de consolider la démocratie et l’état de droit, a ainsi encouragé le représentant du Sierra Leone, appuyé également par son homologue de la République de Corée, qui a exhorté ces pays à élaborer un plan clair pour le retour à l’ordre constitutionnel. La France les a encouragés à poursuivre leur transition en faveur d’un retour à l’ordre constitutionnel, afin que les populations puissent choisir librement leurs dirigeants. L’Équateur a souhaité que les processus électoraux pour revenir à la démocratie s’accomplissent selon les calendriers prévus.
« Ces pays mènent une lutte coordonnée contre le terrorisme et remportent des succès », a toutefois fait observer la Fédération de Russie, qui leur a promis « une contribution positive pour la stabilité des pays du Sahel ». La Chine a appelé la CEDEAO à coopérer avec les États de la région en vue d’une plus grande stabilité. S’agissant des transitions au Mali, au Burkina Faso et au Niger, le représentant chinois a plaidé pour « des solutions africaines à des défis africains, en appelant à éviter les pressions ».
« Ce n’est pas un problème africain qui appelle une solution africaine; le terrorisme est un problème mondial qui nécessite des solutions mondiales », ont retorqué les États-Unis, tandis que le Royaume-Uni estimait que les mercenaires, y compris l’« Africa Corps » russe, ne sont pas la solution, car leur manière d’agir aggrave les conflits et sape le développement à long terme. La Slovénie, qui a souligné la persistance des menaces terroristes, s’est quant à elle félicitée de la condamnation par la Cour pénale internationale de l’ancien chef de la police islamique de Tombouctou. La Suisse a jugé crucial de promouvoir le dialogue et de coordonner les engagements multinationaux, régionaux et bilatéraux pour atténuer les tensions internes et interétatiques. L’Équateur a salué l’établissement du Centre régional pour la lutte contre le terrorisme d’Abuja, qui bénéficie du soutien de la CEDEAO et de l’Union africaine. »