Cette déclaration est de l’unité d’action syndicale, les centrales syndicales et les syndicats autonomes du Burkina Faso. Elles s’insurgent contre l’augmentation des salaires des ministres malgré un contexte socio-économique et sécuritaire difficile. Elles mettent en garde le gouvernement et appellent leurs structures « à se mobiliser pour les actions qui s’imposent à nous en vue de la prise en compte des préoccupations ».
L’Unité d’Action Syndicale (UAS) est très préoccupée par la situation que vit notre pays ces dernières semaines. Trois faits majeurs constituent des préoccupations majeures à savoir la dégradation de la situation sécuritaire, la vie chère et la relecture du décret portant modalités de rémunération du Premier ministre, des présidents d’institution et des membres du gouvernement.
1. Sur la situation sécuritaire :
Alors que nous nous approchons de l’échéance des cinq mois fixés par le Chef de l’Etat Paul Henri Sandaogo DAMIBA pour un bilan de la lutte en vue de « la reconquête de notre territoire », les attaques terroristes se poursuivent et s’intensifient. La dégradation de la situation sécuritaire est marquée par la multiplication des attaques terroristes de plus en plus meurtrières alors que la lutte contre l’insécurité, principale justification du coup d’Etat du 24 janvier 2022, a été érigée en priorité par le nouveau pouvoir. Pourtant, la lutte contre l’insécurité, principale justification du coup d’Etat du 24 janvier 2022, est présentée comme priorité par le nouveau pouvoir. Ces attaques engendrent des massacres de populations, des dizaines d’éléments des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) tués, l’accroissement continu du nombre de personnes déplacées internes (PDI) confrontées à des conditions inhumaines et dégradantes (famine, abris très précaires, etc.), la fermeture des écoles et des mines, le contrôle par les terroristes de nombreuses localités et axes routiers, la destruction d’infrastructures (téléphoniques, hydrauliques, électriques, …).
Ainsi donc, en lieu et place de la « montée en puissance » et d’un passage à « la vitesse supérieure » annoncés par le gouvernement, on enregistre la multiplication des attaques contre les détachements militaires. Certes, un communiqué de presse signé de l’Etat-major général des armées en date du 21 mai a annoncé une riposte réussie du détachement militaire de Bourzanga contre une attaque terroriste d’envergure. L’UAS, tout en félicitant les FDS, note que nos soldats ont bénéficié d’un appui aérien de Barkhane et de l’armée de l’air nigérienne. D’où l’importance de l’équipement conséquent de nos unités notamment en moyens aériens.
2 Sur la vie chère :
Depuis particulièrement le début de l’année 2022,tousles prix des produits en général, ceux des produits de consommation courante en particulier, ne cessent de grimper, plongeant les consommateurs dans le désarroi. Les prix des céréales, du riz, de l’huile ont déjà atteint des niveaux tels qu’ils sont inaccessibles même pour les burkinabè moyens. S’offrir un seul repas par jour est devenu, pour bon nombre de burkinabè, un luxe. Les boutiques témoins que le gouvernement annonce avoir mis en place ressemblent plus à de la poudre aux yeux qu’à une réelle solution aux attentes des populations. La récente augmentation des prix des hydrocarbures, au même titre que les velléités d’augmentation du prix du pain, vont incontestablement contribuer à renchérir les prix des différents produits.
3. Sur la revalorisation des salaires des membres du gouvernement :
Un décret signé du chef de l’Etat, révélé par la presse, a procédé à une révision du décret de 2008 portant le même objet. Ainsi, les montants fixés antérieurement sont plus que doublés. Cette augmentation de la rémunération des membres du gouvernement est tout à fait inopportune au regard du contexte que vivent les populations, contexte marqué par la chute du pouvoir d’achat dû à une augmentation exorbitante des prix des produits de grande consommation.
Elle est en contradiction avec la demande d’effort de guerre formulée par les autorités de la transition à l’endroit des Burkinabé, avec les principes de « sobriété et d’exemplarité » promis par le Premier ministre à sa nomination mais aussi avec les critiques acerbes que formulaient certains de ses membres à l’encontre de l’ancien régime et relatives aux questions de gouvernance et d’esprit de sacrifice.
Cette revalorisation des salaires des membres de l’exécutif se justifie d’autant moins que les membres du gouvernement bénéficient de nombreux autres avantages en nature (véhicules, carburant, domestiques, prise charge sanitaire, …). Elle est enfin indécente quand on considère la situation de pauvreté générale des populations et particulièrement des PDI qui manquent de tout, ainsi que celle des VDP qui mettent leurs vies en danger pour la défense du pays mais qui ne perçoivent que 20 000F comme traitement.
D’autres faits non moins inquiétants concernent la propension à militariser l’administration avec la nomination de militaires à de nombreux postes de responsabilité administrative (Gouverneurs, Directeurs Généraux, …) en violation du principe des appels à candidature pour la nomination des DG de Sociétés d’Etat et des Etablissements Publics de l’Etat. Cette pratique au moment où on parle de dépolitisation de l’administration est malséante.
En outre, les récentes prises de position du Président DAMIBA au cours de sa rencontre avec les « forces vives » de la région des Hauts-Bassins, le 20 mai 2022, sont très inquiétantes. En particulier son avis sur l’application des décisions de justice, sur l’équipement des FDS, sur la réconciliation nationale, sur la liberté de manifestation, sur les coups d’Etat, ne sont pas pour rassurer quant à une volonté de respecter les principes démocratiques et de répondre aux attentes des populations.
Face à ces diverses préoccupations, l’UAS dénonce le nouveau décret portant modalités de rémunération du Premier ministre, des présidents d’institution et des membres du gouvernement, exige sa relecture pour conformer les traitements des autorités aux réalités du pays et interpelle encore une fois les autorités de la transition pour :
- S’investir dans le traitement de la question sécuritaire en assurant aux populations leurs droits à la sécurité. Dans ce cadre, elles devront prendre toutes les mesures qui s’imposent pour assurer la sécurité des candidats au cours des examens scolaires ;
- Prendre des mesures pour soulager les populations ;
- Donner l’exemple du don de soi ;
- Respecter les libertés démocratiques et manifestions
- S’engager dans la mise en œuvre des différents engagements pris avec les organisations syndicales de travailleurs.
Elle invite ses militant(e)s, les travailleuses et travailleurs à renforcer leurs structures et à se mobiliser pour les actions qui s’imposent à nous en vue de la prise en compte des préoccupations ci-dessus énumérées. D’ores et déjà, des concertations sont en cours dans le cadre de la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC) en vue d’une réaction à la hauteur des défis qui se posent aujourd’hui à notre peuple.
Ouagadougou, le 25 mai 2022
Pour les secrétaires généraux :
Ont signé :
Le Président de mois des centrales syndicales Le Président de mois des syndicats autonomes
Olivier OUEDRAOGO Alain SOME
Secrétaire Général/CSB Secrétaire Général/SYNTRAPOST