Mariée à un homme qui la battait régulièrement, Nongma Toukpal Sawadogo, 19 ans, a une notion de la violence conjugale depuis qu’elle a 15 ans. C’est avec les blessures au visage saignant, que son père l’a récupéré, auprès de son conjoint, après un jugement à la gendarmerie. Aujourd’hui, avec un enfant de 6 ans, et une grossesse, Nongma Toukpal Sawadogo, loge chez son père, à Cinkansé, tout en aidant une revendeuse du riz. Mais ses ambitions demeurent : Ouvrir son kiosque pour vendre du riz gras.
Cinkansé, 07 Novembre 2021. Le soleil de la matinée pointe à l’horizon d’une maisonnette de trois cases rondes couvertes de chaume nous accueille. Ici, la famille est toujours en deuil, après la perte de la doyenne de la maison, 98 ans d’âge, Naaba Sawadogo, une semaine plus tôt. Le Doua a eu lieu, mais le deuil demeure. Cette défunte état la grand-mère de Toukpal Nongma Sawadogo, et c’est elle qui l’a élevé après le départ de sa mère, qui fut la première épouse de son père. Chaque matin, avec sa grossesse, elle fait les travaux domestiques, s’occupe de ses jeunes frères et sœurs, avant de se rendre à son lieu de travail. Une routine quotidienne dont, elle a conscience.
« Je travaille auprès d’une femme, je prépare du riz gras et du riz sauce et elle vend ». C’est avec le gestuel que Nongma Toukpal Sawadogo, s’exprime, et son père lui sert d’interprète. Lorsqu’elle se rend compte que son interlocuteur ne comprend pas le sens de ses gestes, elle écrit sur le sol. Toute consciente, qu’elle n’a pas fait de longues études à l’école des sourds-muets. C’est la raison pour la laquelle elle fait un signe de la main, pour dire « je peux juste un peu ». Malgré les incompréhensions et les vides de paroles, Toukpal Nongma Sawadogo, avec sa grossesse de 6 mois, dégage une joie de vivre pour son interlocuteur avec son sourire dans sa très élégante tenue pagne.
Son histoire remonte à sa naissance, et son père s’en souvient comme hier : « C’est ma fille ainée, elle est née sourde-muette aux yeux bleus, elle voit bien, mais n’entend et ne peut parler, c’est triste », nous confie Tiba Nongma Sawadogo, son père. Vigile pour le compte d’une société de gardiennage les nuits, Tiba Nongma Sawadogo est également cultivateur. Il raconte : « je n’ai pas fait d’étude, je suis malade et je souffre de la hernie, ce qui m’empêche de faire de grand travaux ». Père de six enfants, il confie avoir des difficultés à joindre les deux bouts.
A cause des incompréhensions entre le Père de Toukpal Nongma Sawadogo et sa mère, cette dernière a quitté le foyer. C’est ainsi que Toukpal Nongma Sawadogo, adolescente va prendre sa première grossesse avec un jeune inconnu de la famille. Elle va se rendre auprès du jeune pour vivre à l’insu de son père. Malheureusement, après l’accouchement de son premier fils, elle connut le calvaire. « Mon conjoint me battait chaque jour, je ne comprenais rien, mais ses frères me frappaient ». Elle va vivre plus de cinq ans de vie commune dans la violence conjugale, jusqu’à ce que son père l’apprenne. « On m’a dit que si je ne me rends pas dans la maison du conjoint de ma fille, il va la tuer. Je m’y suis rendu et je découvre que ma fille souffre. Elle était battue par toute la famille. Elle avait le visage enflé. Je suis allé prendre une convocation à la gendarmerie, et son conjoint a fui pour se réfugier au Ghana. J’ai récupéré ma fille pour l’emmener à Cinkansé ville ».
C’est avec un fils et une grossesse que Nongma Toukpal Sawadogo arrive dans la maison de son père, trois cases rondes couvertes de chaumes. Pour survivre et aider son père à prendre soin de ses enfants. Ainsi, elle se lance dans la restauration. Mais elle fait faillite à cause de son infirmité. Décidée à se battre, elle se joint à une revendeuse de riz pour l’aider. Sans toutefois, oublier son projet : « ouvrir son propre kiosque, avoir deux personnes pour l’aider, acheter des articles se promener pour les revendre dans la ville de Cinkansé », explique-t-elle.
Pour sa belle-mère Lizata Ouédraogo « une aide financière au profit de Nongma Toukpal Sawadogo serait un atout pour qu’elle puisse se construire une économie autonome. Elle est encore jeune, si elle commence tout de suite, dans deux ou trois ans, elle sera propriétaire de son propre coin. La surdité n’est pas un handicap qui peut l’empêcher de se battre pour sa vie, vu qu’elle a la volonté ». Quant à son petit-frère Balégnan Nongma Sawadogo, 17 ans, apprenti-maçon à Ouagadougou, venu pour le deuil « Nongma Toukpal Sawadogo veut travailler, mais il manque un fond de début, elle se débrouille toujours pour nous. Travailler, même là où c’est dur ».
Avec ses yeux bleus et sa bonne volonté, Nongma Toukpal Sawadogo ne se laisse pas impressionné par son handicap. Elle se lève chaque matin pour rejoindre son service, en attendant d’ouvrir son propre kiosque, dans l’avenir.