A travers cette tribune, le journaliste et éditorialiste, Lookman Sawadogo s’offusque contre la décision de refoulement des personnes déplacées internes à destination de Ouagadougou.
La police dans la région du Centre nord a reçu l’ordre de sa hiérarchie de refouler tout véhicule transportant des personnes déplacées de la région à destination de Ouagadougou. Tel est le contenu d’un message radio partagé sur les réseaux sociaux.
On se demande quelles peuvent en être les raisons. Ne serait-ce que pour la curiosité intellectuelle.
Autrement, la gravité d’une telle mesure liberticide et discriminatoire se voient aisément à mille lieux.
En effet, cette mesure de refoulement systématique et ciblée induit de graves violations de la constitution en plusieurs de ses articles. Il s’agit notamment de :
- l’article 1 qui stipule que « tous les Burkinabé naissent libres et égaux en droits. Tous ont une égale vocation à jouir de tous les droits et de toutes libertés garantis par la présente constitution. Les discriminations de toutes sortes notamment (…..) sont prohibées ».
- l’article 3 qui dit que « nul ne peut être privé de sa liberté s’il n’est poursuivi pour des faits prévus et punis par la loi (……) ».
- l’article 5 qui dit que « tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas (….) ».
-l’article 9 qui stipule que « la libre circulation des personnes et des biens, le libre choix de résidence et le droit d’asile sont garantis dans le cadre des lois et règlements en vigueur ».
La police nationale et ses premiers responsables sont en passe de commettre de très graves violations des droits de l’homme très regrettables dans l’État de droit, avec une telle mesure. En ce sens que: - D’un, le PDI n’a pas une identité propre à lui. Comment l’identifier ? Non seulement il y a le risque de commettre le délit de faciès mais le fait même de trouver une identité aux PDI autre que celle d’être Burkinabé tout court crée une stigmatisation et des préjugés. Cela concourt à la séparation des Burkinabé en première zone et seconde zone.
- De deux, empêcher le PDI d’aller et venir librement et laisser ce droit exclusivement aux autres Burkinabé qui ne sont pas des PDI est une discrimination basée sur la catégorisation sociale. C’est de l’exclusion.
- De trois, permettre à une catégorie de citoyens de venir à Ouaga et empêcher d’autres d’y venir est un apartheid comme en Afrique du Sud où les noirs n’avaient pas accès aux écoles , bus et quartiers des blancs.
On se croirait en Occident avec les politiques iniques et racistes sur l’mmigration. Où l’on refoule aux frontières et aux larges des côtes. Il n’est pas acceptable que des Burkinabé subissent cette humiliation chez eux. Les personnes déplacées ont plus besoin de compassion et d’attention vue leur vulnérabilité. Évitons d’en rajouter à leur situation de tragédie.
Les européens poussés par la phobie du nombre et la théorie de l’envahissement ont érigé des murs avec les africains. Quant à nous, c’est quoi qui nous fait avoir peur des PDI au Faso ?
De notre avis, aucun texte de loi n’existe encore qui puisse interdire qu’un Burkinabé se déplace dans la ville de son choix seul ou en groupe. Les personnes déplacées ont le droit absolu de venir à Ouagadougou individuellement ou groupés en convoi. Leur droit d’entrée sur le territoire de la capitale n’est pas à lier aux activités ou actes qu’elles pourraient venir y mener.
Si par exemple cela a un lien avec les marches projetées dans la capitale , il faut dire simplement que la liberté de circulation est à part et la liberté de manifestation est aussi à part. Venir à Ouaga est une chose, participer à une manifestation en est une autre. Sans compter que toutes les PDI ne viendraient pas à Ouagadougou pour les mêmes motivations. Si certains c’est pour marcher d’aucun c’est bien d’autres nécessités.
De ce qui précède, il serait judicieux pour la police nationale de réviser ses mesures et particulièrement celle « du refoulement systématisé ciblant les PDI ». Elle éviterait ainsi des dérives dangereuses qui mettent à mal l’unité nationale et nos acquis démocratiques. C’est la somme des abus tolérés qui finissent par créer les grandes dictatures. Aucune ne se décrète.
À bon entendeur salut !
Lookmann SAWADOGO
Journaliste -éditorialiste