Ceci est une tribune du Pr Jacques Nanéma, enseignant-chercheur à l’Université Joseph Ki-Zerbo.
Comment faisons-nous pour trouver et designer facilement les boucs-émissaires quand tout va mal ? Le procès des autorités politiques, coutumières, religieuses, militaires…. Et que dire de nos démissions quotidiennes, du travail mal fait, du manque de conscience professionnelle, de la médiocrité, de l’indigence morale et intellectuelle, de la versatilité et de la vénalité, de l’incivisme chronique, de la folie des grandeurs, de l’incurie personnelle, communautaire et institutionnelle, du refus d’apprendre, du conformisme, de l’attentisme, de l’indifférence aux douleurs et souffrances d’autrui, de l’indifférence à la mort qui s’installe et produit une indécente comptabilité macabre ?
Trouver des boucs-émissaires, des coupables, cela nous protège-t-il de notre propre culpabilité, de notre responsabilité ? Notre souffrance commune s’en trouverait-elle amoindrie, effacée ?
Chers concitoyens, et si, le temps de rendre hommage à nos frères et soeurs massacrés, hommage à nos FDS tombés les armes à la main, on décidait d’une trêve dans nos disputes interpersonnelles, politiques, idéologiques….non pas pour dissoudre notre conscience des problèmes, mais pour les prendre à bras le corps ensemble et les résoudre autant que faire se peut…. ! Et si on prouvait aux yeux du monde que rien, absolument rien ne peut plus nous diviser, nous séparer, nous opposer ?
Et si on décidait qu’il n’y aurait plus de batailles intestines entre nous, de querelles de chapelles, de rivalités ethniques, de compétitions politiciennes….
Ne serait-ce pas, de cette manière, un bon début pour trouver des solutions à nos soucis communs ? Le Burkina mérite mieux que les batailles de chiffonniers que se livrent ses fils et filles, ses camps politiques, ses corporations professionnelles, ses dirigeants, ses citoyens.
Prendre soin d’un pays, c’est déjà renoncé à l’enfoncer dans les drames face auxquels il se débat, c’est renoncer à le pousser au fond du gouffre au bord duquel il est conduit par des turpitudes et les vicissitudes de l’histoire.
Nous n’obtiendrons rien de nos ennemis par nos larmes, leurs coeurs sont endurcis, leur oreilles sont hermétiquement fermées à toute raison, leurs yeux ignorent la valeur d’un humain, leurs esprits sont bornés par l’ignorance et la haine vengeresse…
Nous devons garder le pays debout, chacun faisant son devoir là où il est engagé, tous conscients que la République ou le bien commun n’est point un héritage, mais un projet à co-construire, un idéal à développer et un esprit de fraternité citoyenne à consolider pour que personne ne se sente délaissé, laissé au bord du chemin qu’emprunte la communauté.
Burkinabe, encore un effort !