15 octobre 2024
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Mariages forcés au Centre nord : Plus d’une centaine de jeunes filles à Maria Goretti de Kaya

Au cœur de la ville de Kaya, un centre accueille des jeunes filles victimes de mariage forcé et précoce : le foyer sainte Maria Goretti, né de la volonté du diocèse de Kaya d’accueillir des jeunes filles victimes de la pratique. Elles sont au total cent dix (110) filles vivant dans ce centre. Nous sommes allés à leur rencontre. Elles retracent leur vécu.

Mariée à un vieux dès son bas âge, Christine raconte comment elle a quitté en pleine nuit Pissila, son village, pour rejoindre la capitale du centre Nord :  » J’ai perdu mon père à l’âge de quatorze (14) ans. Par la suite, mon petit papa m’a donné en mariage forcé. Il m’a contraint à quinze (15) ans de me marier à un vieux. Elle continue :  » J’ai parlé à ma mère qui m’a demandé également d’aller car la femme ne choisi pas son foyer. Dès ce moment, j’ai compris que j’étais devenue seule. Pendant leur sommeil, j’ai pris la route seule la nuit pour rejoindre Kaya à pied. A mon arrivée à Kaya on m’a parlé du foyer des sœurs et j’y suis allée. Ici, je suis bien accueillie et j’espère trouver mon homme qui va m’épouser ».


Annette et Annie, sont des jumelles venues de Pissila. Elles ont également échappé à un mariage forcé. Toutes âgées de la vingtaine d’années, elles racontent comment elles ont subi la colère de leur père :  » Le papa et le grand-père nous ont contraintes d’aller chez un homme que nous ne connaissons pas », dit Annette. Sa jumelle Annie poursuit en ces termes : « Mon école a été interrompue à cause de la situation que j’ai vécue :  » je devrais passer en classe de troisième. Mais mon papa nous a fait fuir de la cour. Nous avons subi des humiliations de sa part. C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui il y a une semaine. Je veux continuer l’école mais je ne sais pas si cela sera possible ».

Plus loin, nous rencontrons Clarisse, une jeune fille de vingt un (21) an :  » quand je venais dans ce foyer, j’avais, dix sept (17) ans », témoigne-t-elle. Elle raconte :  » Ma maman m’a dit que lorsqu’elle était enceinte, mon grand père a reçu une calebasse de dolo (bière local) comme cadeau. Et il a fait la promesse que sa belle fille enceinte, lorsqu’elle va enfanter, si c’est une fille ce sera une récompense. Donc à quatre ans, on m’a donnée en mariage, mais je ne savais pas. Il a fallu seize (16) ans pour que je comprenne. Quand j’ai appris cela, j’ai pris la fuite pour me retrouver ici ».

Clarisse ne cesse de dire merci au centre pour les bienfaits

Justine, elle, a reçu des coups et blessures de la part de son père : « Mon géniteur m’a frappée et blessée. J’ai fait des semaines avec un coup tordu. Je n’arrivais pas à bien tourner mon coup ni manger quelques choses. Pour moi, ce fut inimaginable de croire qu’un père puisse faire cela à sa fille. Aussi, après que j’ai refusé d’arrêter mon école pour me donner à cet homme, mon père a chassé ma mère et mes autres sœurs. Il a refusé de payer ma scolarité et celle de mes sœurs. Ce que je demande à Dieu, c’est de m’aider à réussir afin de prendre soin de ma mère et mes sœurs, car leur souffrance est ma souffrance. Elle poursuit en ces termes, « quand je suis dans ce centre, et je pense à ma maman, je pleure souvent. »
Agnès, une autre fille affirme qu’elle devrait être la coépouse d’une femme mariée à un septuagénaire : » mon grand père m’a dit d’aller comme deuxième épouse d’un homme et j’ai refusé. Grâce au centre, je suis sauvée. Ma formation en couture est presque finie. Ce que je demande c’est le matériel pour ouvrir mon propre atelier. »

Dans la région du Centre Nord, le mariage forcé a la peau dure

Si le centre Maria Goretti reçoit des jeunes filles victimes de cette pratique depuis 1952, force est de constater que de nos jours, le mal persiste.
La sœur directrice ne cache pas son inquiétude sur l’évolution du phénomène: « depuis la création du centre, nous avons accueilli plusieurs filles. D’autres sont mariées aujourd’hui. D’autres ont une vie stable. Mais ce qui nous inquiète, c’est la persistance du phénomène. Il n’arrive pas plus de six mois, sans qu’on ne soit alerté de ces cas. On ne sait pas à quand la fin de cette pratique » poursuit sœur Véronique.

Les filles internées reçoivent des formations

Dans ce centre, au delà de méditer sur leur sort, ces jeunes filles ont de quoi s’occuper. Parmi elles, il y en a une dizaine qui ont repris le chemin de l’école. Certaines bénéficient de la formation en tissage, couture ou en coiffure.
D’autres font également la maraîcher culture.
Pour la sœur directrice, c’est leur contribution à l’éducation de ces jeunes filles : » Ce sont nos enfants. Et en venant ici, nous avons voulu leur apprendre plusieurs métiers afin qu’à leur sortie, elles ne soient pas bredouille. C’est aussi notre manière d’apporter l’éducation nécessaire ».

Annie espère reprendre son cursus scolaire interrompu

Éduquer une centaine de filles n’est pas aisée

En dépit de la bonne volonté des sœurs d’assurer un mieux être à ces jeunes filles, force est des difficultés subsistent. Pour la sœur directrice, il y a beaucoup de difficultés : »Quand les jeunes filles viennent, les premiers moments, elles sont sans vêtements. Nous sommes obligées d’aller payer pour elles. Ensuite, sur le plan alimentaire, il y a beaucoup de personnes à nourrir, ce qui n’est pas simple. » Elle poursuit : » certaines viennent avec des séquelles psychologiques, d’autres sont souvent malades. Nous sommes contraintes de leur apporter des soins. Sur le plan socio-professionnel quelques difficultés existent également notamment le matériel d’atelier après leur formation. Nous sommes à bout de souffle malgré notre volonté. C’est pourquoi nous sollicitons les bonnes volontés qui souhaitent venir à notre aide, de ne pas hésiter, car nous faisons ce que nous pouvons, mais nos moyens sont limités, foi de la sœur directrice du foyer.

Les témoignages de ces filles ne sont pas complets au regard de leur nombre. Chacune a une tranche de vie différente et aussi triste que l’autre. Toutefois, ce centre est un avantage pour la société, car il a sauvé plusieurs filles, dont les anciennes pensionnaires forment aujourd’hui une association dénommée sainte Maria Goretti. Cette situation dans le centre-nord interpelle sur le regard que la société a sur la femme.

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