Le procès sur l’assassinat du père de la révolution Thomas Sankara et de ses douze compagnons s’est poursuivi, ce jeudi 24 mars 2022, avec la plaidoirie des Conseils du général Gilbert Diendéré. Dans ce dossier, il est poursuivi pour « attentat à la sureté de l’État, complicité d’assassinat, recel de cadavres et subornation de témoins ». Dans toutes leurs plaidoiries sur les accusations portées contre leur client, ses avocats ont demandé purement et simplement son acquittement car aucune preuve ne sous-tend la culpabilité de leur client.
Les plaidoiries des avocats de la défense notamment ceux du général Gilbert Diendéré ont déversé au tribunal militaire une démonstration de manque de preuves sur l’accusation portée contre leur client. Ce jeudi 24 mars 2022, à la reprise de l’audience, Me Abdoul Latif Dabo a attaqué sur l’accusation portée contre son client notamment la subornation de témoin. D’entrée, l’avocat a exprimé sa compassion à l’endroit des familles des victimes des évènements malheureux du 15 octobre 1987.
Pour lui « la douleur des familles ne pourra être effacée ou amoindrie même après le procès ». Mais « il demande au tribunal militaire de donner au général au moins un procès équitable » a-t-il ajouté. Devant le tribunal, il s’est évertué à démontrer la non constitution de l’infraction de subornation portée contre client. En effet, on se rappelle que le parquet a accusé le général Diendéré d’avoir commissionné son chauffeur Pascal Tondé. Son chauffeur aussi est accusé dans cette affaire de subornation de témoin auprès d’Abderrahmane Zétiyenga.
Selon le parquet, c’était pour amener Abderrahmane Zétiyenga à faire un faux témoignage devant le juge d’instruction. Pendant les événements du 15 octobre 1987, Abderrahmane Zétiyenga a reçu l’ordre de Gilbert Diendéré, de se positionner au niveau du poste de garde situé à l’est du conseil de l’entente, près de la radio nationale. Là, il ne devait laisser entrer personne à l’intérieur du conseil après le passage du cortège du président Thomas Sankara.
Plusieurs témoins ont soutenu avoir effectivement vu Abderrahmane Zétiyenga à ce poste de garde. Eugène Somda, infirmier à la présidence, avait même témoigné qu’il avait été empêché par Zétiyenga d’accéder au conseil lorsque les tirs ont commencé. Et en prison à la Maison d’arrêt et de correction des armées, le général Gilbert Diendéré s’est entretenu avec son chauffeur Pascal Tondé sur le témoignage qu’a fait Eugène Somda et qui pourrait accabler Zétiyenga avec qui il n’était plus en odeur de sainteté après les événements du 15 octobre 1987.
Pascal Tondé est allé voir Abderrahmane Zétiyenga par la suite pour lui demander de « bien parler » devant le juge d’instruction s’il ne veut pas être mis aux arrêts. Par « bien parler », Zétiyenga devait dire qu’il n’était pas au conseil de l’entente lorsque les tirs ont commencé. La conversation a été enregistrée en cachette par Zétiyenga, et remise au juge comme pièce à conviction. Pour Me Dabo, le parquet ne dispose d’aucun élément imputable à Gilbert Diendéré pour les faits de subornation de témoin. « La subornation vise une double destination : amener le témoin à mentir et l’amener à faire de la rétention d’informations ».
Pour l’avocat, le parquet n’a aucune preuve que le général Diendéré a usé de « promesses, offres ou présents, de pressions, menaces, voies de fait, manœuvres ou artifices pour déterminer Zétiyenga à délivrer une déposition mensongère. Me Dabo ajoute que nulle part dans l’enregistrement, Pascal Tondé ne dit à Zétiyenga de mentir. « Nulle part, il n’a fait des promesses ou proféré des menaces contre Zétiyenga. L’infraction n’existe donc pas », a indiqué Me Dabo. Face à ses éléments présentés devant le tribunal, il a plaidé pour l’inexistence de la subornation de témoin et subsidiairement qu’aucun élément ne puisse rattacher le général Gilbert Diendéré à l’infraction.
Quant à l’avocat Me Kossi Christophe Saba, toujours dans le conseil du général Gilbert Diendéré, il a plaidé sur le fait recel de cadavre. Pour Me Kossi, cette infraction est prescrite.
Me Kossi a étalé sa plaidoirie sur deux points essentiellement, la base légale de l’infraction et sur la non-caractérisation. Sur le point de la base légale, l’avocat affirme que l’on est en face d’un« délit plutôt qu’un crime », et qu’en l’espèce, c’est le code pénal de 1810 qui est applicable pour ce procès. Et il a précisé qu’au-delà de 3 ans après l’infraction, le fait est prescrit. Pour lui, ce n’est qu’en 2015, soit 27 ans 5 mois et trois jours après que le recel de cadavre a été commis dans les accusations contre Gilbert Diendéré et donc son client ne doit plus être poursuivi pour cette infraction.
En ce qui concerne l’infraction de recel de cadavre. Il le définit comme le fait de dissimuler un cadavre dans le but d’entraver l’action de justice. Pour que cette infraction soit constituée, il y faut deux éléments constitutifs, l’élément légal et matériel.« Dans les témoignages des détenus de la MACO qui ont inhumé les corps, aucun n’a cité Gilbert Diendérécomme étant celui qui a donné les instructions, l’élément matériel n’y est pas. Gilbert Diendéré n’a ni assisté, ni aidé donc ne peut pas être poursuivi pour recel », a soutenu Me Kossi.
Pour terminer, « il a exhorté le tribunal en disant que le délit de recel de cadavre est prescrit, que la complicité est également prescrite et de ce qui précède, que l’infraction n’est pas constituée, et en conséquence relaxer l’accusé Gilbert Diendéré »,a-t-il plaidé.
Me Olivier Yelkouni, l’un des avocats du général Gilbert Diendéré, à tour à démontrer l’innocence de son client concernant les faits d’attentat à la sûreté de l’Etat. Selon Me Olivier, on parle d’attentat à la sûreté de l’Etat, quand il y a complot c’est à dire une résolution organisée par plusieurs personnes pour commettre un attentat.
Selon Me olivier, ce procès semble être un acharnement contre son client, à cause des liens étroits qu’il avait avec Blaise Compaoré. Pour lui « il a l’impression que Gilbert Diendéré est jugé pour ce qui s’est passé sous le régime de Blaise Compaoré et surtout non pour les évènements du 15 octobre 1987.La fidélité de Gilbert Diendéré à Blaise Compaoré est devenue, dans ce procès, une preuve de culpabilité », soutient Me Yelkouni. Au regard des éléments exposés, il a invité le tribunal à porter ses appréciations sur les faits. » Au nom de la justice, au nom du droit, acquittez Gilbert Diendéré », a-t-il mis fin à sa plaidoirie.
Me Yelkouni, le fait que son client soit chargé de la sécurité du conseil et chef de corps adjoint du CNEC au moment des faits, ne le rend pas d’office responsable des actes posés par le commando le 15 octobre. Il se demande d’ailleurs pourquoi c’est Blaise Compaoré qu’Hyacinthe Kafando a contacté immédiatement après les évènements pour l’informer du décès de Thomas Sankara, si vraiment les choses avaient été fomentées par Gilbert Diendéré ?
Me Abdoul Latif Dabo, lors de son passage devant le tribunal, a plaidé pour déconstruire les faits de complicité d’assassinat contre son client, le général Gilbert Diendéré.
A son deuxième tour devant le tribunal, Me Abdoul Latif Dabo soutient que « le tribunal ne doit pas juger sur des rumeurs mais des faits. Puis il ajoute la politique aux politiciens et le droit aux praticiens de la justice ».
« Son client, le général Gilbert Diendéré est-il coupable parce qu’il se nomme Gilbert Diendéré ? A-t-il au courant au courant du coup ? ». Ce sont entre autres les questions par Me Dabo. Et pour lui à toutes ces questions, il faut répondre la négative. Pour Me Dabo, toutes les pièces versées du dossier qu’étale la procédure ont été montées purement et simplement pour prétendre à la tête de son client. Toujours selon Me Dabo, la partie civile et le parquet n’ont pas pu démontrer en quoi son client est coupable. Ils ont été incapables d’apporter des preuves. Pour lui, la partie civile s’est plutôt lancé dans des amalgames en évoquant les dossiers Dabo Boukary, Norbert Zongo et celui de l’insurrection populaire. Pourtant dans lesdits dossiers, il est simplement cité comme un témoin.
Toujours dans sa plaidoirie, il a évoqué le fait que ceux qui accusent son client parlent d’abstention du chef militaire, alors responsable de la sécurité du conseil de l’entente. Ce qui explique une certaine complicité dans cet assassinat. Mais Me Abdoul Latif Dabo, s’interroge comment son client pourrait prendre des sanctions contre des hommes qui ne répondent pas directement de lui. Mieux le commandant en chef des forces armées populaires était Boukari Lingani. Pour étayer sa démarche méthodique et rigoureuse, il convoque le coup d’État du 16 septembre 2015 mené par l’ex-régiment de sécurité présidentielle.
Selon lui lors du verdict, le commandant Abdoul Aziz Korogo, chef de corps du RSP, a été condamné à cinq ans de prison assortis du sursis. « Comme Gilbert Diendéré, Abdoul Aziz Korogo a renforcé les positions du RSP, il a obéi aux ordres de sa hiérarchie et n’a pas pris des sanctions contre les éléments qui ont fait le coup d’État. Mieux il a été acquitté mais dans le cas et comme c’est le général Diendéré fasse 20 ans en prison », s’étonne Me Abdoul Latif Dabo. Pour terminer sa plaidoirie, l’avocat a rappelé aux membres de la Chambre de jugement qu’ils ne sont pas des juges de rumeurs mais des faits. Et en parlant des faits, il a souhaité l’acquittement de son client par manque preuves concordantes.