Ceci est une tribune du Pr Jacques Nanéma, enseignant-chercheur à l’Université Joseph Ki-Zerbo sur l’impérialisme.
Chacun le sait, il y a deux formes d’impérialisme étranger qu’il est légitime de combattre pour que nos sociétés réalisent le bonheur de leur liberté, la dignité d’être et d’agir en toute autonomie. +L’impérialisme colonial, venu d’Europe, par le régime de la colonisation qui fut d’une violence indiscutable et qui se prolonge dans des dominations larvée contemporaines.+ L’impérialisme anti-colonial qui vient des puissances concurrentes des puissances coloniales et qui prétendent protéger l’Afrique tout en étant elles-mêmes désireuses de dominer l’Afrique déjà dominée.
On peut y ranger les puissances soviétiques, russe, asiatique, arabe qui tentent de séduire et de réduire une Afrique déjà éprouvée par l’humiliation coloniale.
Ces deux formes d’impérialisme se battent entre elles sur le continent et chacune d’elles se prétend au service de l’Afrique, même quand de toute évidence, pour nous, il s’agit d’un tigre qui cherche à arracher une proie à un lion.
En marge de ces deux formes d’impérialisme, une nouvelle forme émerge ces dernières décennies, des décombres du désenchantement des indépendances octroyées avec force folklore et jeux d’apparences. Il s’agit d’une nouvelle forme d’impérialisme autochtone qui se fait progressivement jour chez nous depuis quelques décennies, et qu’il faut bien appeler l’idéologie unanimiste.
On peut croire qu’elle procède d’une bonne intention et d’une noble ambition politique favorable à l’Afrique. Mais, si le panafricanisme est noble et mérite l’investissement des intelligences et compétences des Africains et de la diaspora, il faut être très prudent quand il fait l’objet de captation et de récupérations idéologiques perverses par des truands d’une nouvelle espèce. Cette nouvelle forme d’impérialisme qui se cache sous les espèces du panafricanisme bruyant et violent cherche par tous les moyens à s’imposer et à imposer la direction et la cadence de la marche africaines vers la liberté, en refusant malheureusement aux Africains la liberté d’expression et la liberté d’exercice de leur autonomie.
Tout presse et les agitateurs décomplexés de cette idéologie ne savent rien faire d’autre que de s’auto-proclamer les messies, les leaders, les missionnaires et les figures de la libération d’un continent qu’ils ne prennent même plus le soin de respecter, de consulter. C’est l’idéologie de la libération à pas forcés d’un continent qui n’a plus son mot à dire, car certains de ses enfants en ont simplement décidé ainsi. Mère Afrique n’est plus assez digne à leurs yeux de respect et de considération, on la libérera malgré elle, même contre son gré.
C’est un nouvel impérialisme local, autochtone qui vient lui aussi tyranniser l’Afrique à sa guise, avec ses nouveaux missionnaires auto-proclamés, auto-consacrés, avec leurs gros chapelets autour du cou, la carte de l’Afrique dessinée sur les nouvelles soutanes panafricanistes….ce nouvel impérialisme est tout aussi dictatorial que les anciens impérialismes qu’il prétend combattre sans pour autant changer leur mode d’action sur l’éternelle victime qu’est l’Afrique. Le paradoxe c’est que la libération de l’Afrique reste le slogan qui inspire cet ultime impérialisme, quand bien même de toute évidence, au lieu d’être libérée, l’Afrique se trouve dans les faits, à nouveau enchaînée.
Comment libérer l’Afrique sans lui retirer sa liberté ? Peut-on libérer l’Afrique sans promouvoir et accepter l’effectivité de la liberté en Afrique ? Autrement dit voulons-nous d’une libération de l’Afrique qui fasse l’impasse sur la liberté des africains et de l’Afrique elle-même ? L’ultime question à se poser est donc de savoir si les libérateurs autoproclamés de l’Afrique, qu’ils viennent de l’extérieur ou de l’intérieur du continent, sont légitimes pour décider que les Africains ne sont pas encore dignes d’être traités comme des êtres de liberté, des êtres de dignité méritant un respect inconditionnel …