Du 27 au 28 juillet 2023, la ville de Saint-Pétersbourg accueille le deuxième sommet Russie-Afrique dont le thème est « la stabilité du marché des engrais comme gage d’éradication de la faim dans les pays africains » avec une promesse de transfert des technologies agricoles de pointe en Afrique. Que peuvent espérer les pays africains de ce sommet ? Pas grand-chose ! D’autant plus que le précédent sommet de Sotchi en 2019, tout comme d’ailleurs bien des sommets Afrique et autres puissances, n’a donné lieu à aucun réel engagement suivi d’effets sur les plans politique, économique et sécuritaire en Afrique. Une fois de plus, les dirigeants africains vont aller infantiliser leurs peuples avec leurs discours contradictoires entre souveraineté et mendicité. 4 ans après 2019, que sont devenues les promesses de Sotchi ?
4 ans après le sommet de Sotchi, les fruits n’ont pas été à la hauteur des promesses de coopération russo-africaine respectueuse de la souveraineté et des aspirations des peuples d’Afrique sur presque tous les plans. Mais retenons l’essentiel selon les promesses de Sotchi.
Sur le plan sécuritaire, certains Etats africains avaient souhaité collaborer avec la Russie dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. En réponse à ces demandes de coopération d’Etat à Etat, l’on assisté à l’envoi d’une Société militaire privée (SMP) russe, mais également à des signatures de contrats de vente d’armes. Jusque-là, l’efficacité de cette coopération dans la lutte contre le terrorisme reste à démontrer. Le nouveau sommet fera-t-il le bilan de cette coopération militaire et son apport dans la libération des pays concernés par le terrorisme ? Certainement pas ! L’on prendra de nouveaux engagements sans forte conviction avec certainement les mêmes résultats. La guerre contre le terrorisme semble être seulement une opportunité d’affaires. Pourtant, c’est le reproche fait aux occidentaux accusés de faire des affaires avec l’insécurité dans les pays du Sahel ou les malheurs des Africains.
Du reste, plusieurs exemples montrent l’insuffisance de résultats de la coopération sécuritaire russo-africaine. On peut citer entre autres, l’accord de coopération militaire signé en avril 2022 entre le Cameroun et la Russie par le ministre camerounais de la défense Joseph Beti Assomo et son homologue russe Sergei Choigou. Malgré cet accord l’armée camerounaise souffre encore d’importantes difficultés logistiques. Il n’a notamment pas permis de faire redécoller les hélicoptères de transport de troupes de l’armée camerounaise, toujours soumis à des soucis de maintenance. De même, l’Algérie, pourtant partenaire historique de la Russie, attend toujours ses livraisons de bombardiers d’eau russes (pour lutter contre les feux de forêts) qu’elle a commandés en avril 2023. Elle avait été obligée dans l’urgence de commander des avions chiliens. Quid du Mali et de la Centrafrique où la coopération est matérialisée par l’envoie des troupes de Wagner ? On n’oublie pas le Burkina Faso où le rapprochement avec Moscou s’est renforcé en 2023.
Dans le domaine économique, la Russie avait annoncé vouloir « intensifier la coopération dans le domaine de reconstruction et de développement ». Mais dans les faits, depuis le sommet de 2019, elle n’a quasiment pas investi en Afrique. Elle contribue pour moins de 1% des investissements étrangers directs en Afrique. Par ailleurs, 70% de l’ensemble du commerce russe avec les pays africains se concentre sur seulement 4 pays (Egypte, Algérie, Maroc, Afrique du Sud). Lors du sommet de Sotchi, le président Poutine s’était engagé à doubler le volume des échanges russes avec l’Afrique en 5 ans. Concrètement, ce volume diminue chaque année depuis 2018, de 30 % au total (source : https://africacenter.org/fr/spotlight/decoder-les-engagements-economiques-de-la-russie-en-afrique/).
Cela est assez révélateur de l’importance accordée au développement économique de l’Afrique par la Russie. Finalement, celle-ci semble avoir trouvé dans les pays africains, des alliés pour constituer artificiellement un groupe de pays affinitaires pour contrecarrer son isolement international et géostratégique. Sauf que ces pays risquent à termes de se retrouver dans le même isolement et encore plus fragilisés.
En ce qui concerne la sécurité alimentaire, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a eu des conséquences graves pour l’Afrique qui est fortement dépendante des importations de céréales russes et ukrainiennes. Cette invasion a provoqué l’interruption de l’approvisionnement russe (et ukrainien). Depuis, les populations africaines subissent une inflation forte sur les denrées alimentaires, notamment le blé. Malgré un narratif assez agressif sur la question, la Russie, puissance agricole, n’a mené aucune action de soutien à ses partenaires africains pour soulager les populations ; alors même qu’elle avait annoncé à l’issue du premier sommet vouloir « faire des efforts pour augmenter considérablement le chiffre d’affaires entre la Russie et les Etats africains y compris par l’augmentation de la part de la production agricole ».
L’on se souvient que le Président Macky Sall du Sénégal, Président en exercice de l’Union africaine avait effectué une mission de plaidoyer auprès de ses homologues russe et ukrainien pour qu’une solution soit trouvée à cette grave menace sur la sécurité alimentaire en Afrique. Mais cette mission n’a véritablement pas permis de redresser la barre.
Finalement, l’on peut affirmer que le sommet de Sotchi en 2019 n’a pas tenu ses promesses et engagements. Au bilan du renforcement annoncé de la présence russe en Afrique, l’on ne peut que noter le déploiement de Wagner, les contrats juteux de sécurité avec des armes échangées contre des ressources minières, les campagnes de désinformation de masse.
Le Sommet de Saint-Pétersbourg sera-t-il différent du précédent en termes de résultats et d’impact sur le développement des pays africains ? Rien n’est moins sûr ! La diversification des partenariats semble, pour l’instant, se traduire par le remplacement d’un impérialisme par un autre. Est-ce encore un autre forum de déclamation de souveraineté ou de mendicité ?
Newatta KAFANDO