La passation de charges entre l’ancien chef de file de l’opposition politique (CFOP), Zéphirin Diabré et le nouveau, Eddie Komboïgo, par ailleurs président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) est intervenue le 5 mars 2021. Ses anciens camarades, responsables de partis politiques de l’opposition ont chacun son point de vue sur ce qu’a été le CFOP sous Zéphirin Diabré ainsi que des attentes du nouveau CFOP. En somme, les attentes sont mitigées sur le futur chef de l’opposition politique bien que le bilan de l’ancien ne soit pas si reluisant.
La candidate et président du MRB, Yéli Monique Kam s’est dit satisfaite du passage de Zéphirin Diabré à la tête de l’Opposition politique burkinabè. Elle a donc félicité l’ancien CFOP, pour « avoir apporté sa contribution à l’opposition ; je pense qu’il a porté les aspirations des populations à travers le dialogue politique. Il a est féliciter effectivement, au regard de l’environnement sociologique, pour ce rôle d’opposition. Il l’a mené sincèrement pendant les 5 dernières années ».
Alors que Zéphirin Diabré, ex-chef de file de l’opposition politique burkinabè (CFOP) , candidat malheureux à la présidentielle de 2020, vient de rendre son tablier, après avoir adhéré à la majorité présidentielle en tant que ministre de la réconciliation nationale ; Me Ambroise Farama, président l’Organisation des peuples africains, section Burkina Faso ( OPA-BF), parti d’opposition, dénonce les critères sélectifs qui ont conduit à la désunion de l’opposition sous le mandat de Zéphirin Diabré.
A la question de savoir quelle est sa lecture du passage de Zéphirin Diabré au CFOP, Me Ambroise Farama ne manque de mots. « Durant les 5 dernières années, il n’a pas pu parvenir véritablement à réunir toute l’opposition ; la preuve, ils ont créé un cadre de concertation des partis politiques avec des critères tout à fait sélectifs. J’en veux pour preuve, pour notre parti, après avoir rejoint l’opposition, nous avions demandé expressément à faire partie du cadre de concertation. On n’a pas reçu de réponse ; la réponse nous est parvenue qu’après les élections ; et, donc, à partir ce moment, nous sommes fondés à dire que tel que le CFOP a été libellé, ça n’a pas permis de réunir tous les partis politiques de l’opposition ».
Et au candidat malheureux de la présidentielle de préciser. « Nous avions également, souhaité que qu’il nous permette de prendre part aux activités de l’opposition, nous devrions apporter notre contribution pour la mise en place des garanties contre la corruption électorale, et pour la mise en place d’un certain de mesures visant à avoir une élection beaucoup plus transparente. Malheureusement, nous n’avons pas été associés, et le résultat est là. Aujourd’hui, les observateurs montrent que cette élection n’a pas été ce qu’on pensait et qu’il y a un taux inégalé de corruption dans notre pays. Pour notre part, cela a été un échec. »
Néanmoins, Me Farama estime qu’il y a eu quelques satisfactions chez le CFOP parti, « durant son mandat du chef de file de l’opposition qui a conduit à la chute de Blaise Compaoré. Là, nous avons trouvé en lui, un certain leadership qui a pu fédérer les forces. Mais encore, nous avons noté un manque de vision à la fin, lorsqu’il s’est agi de conduire le pays. Pour nous, ceux qui ont conduit l’insurrection, avaient un responsable qui était Zéphirin Diabré pour assurer la transition politique, afin de donner une orientation au pays, mais malheureusement, nous en sommes là, sans vision ».
Quant à Arouna Kindo, président du Mouvement des intellectuels (MID), « on n’a pas senti le chef de file partant. On aurait voulu que ça change ; pour Eddie Komboïgo, on ne peut pas se prononcer, on ne le connait pas assez, on souhaite qu’il y ait une vraie opposition. Quand on regarde, ce qui s’est passé depuis 2015, jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas d’évolution ».
Eddie, est-il l’homme de la situation ?
Pour le Dr Aimé Claude Tassembedo, président du mouvement des patriotes en marche et candidat malheureux à la présidentielle de 2020, « l’opposition en tant que telle, pour le chef de file, c’était significatif, déterminant. Il y avait un certain nombre d’accompagnements des partis politiques derrière lui. Celui qui vient de prendre (ndlr : Eddie Komboïgo) semble un peu esseulé, parce beaucoup sont allés à la soupe ; du coup sa mission semble ne pas être très visible à moins qu’il s’affirme, sinon la direction qu’il semble prendre, dite opposition modérée, constructive. J’ai été déçu par l’élection du président de l’Assemblée, cela dénote déjà la dimension du chef de file de l’opposition politique. Telle que cela a été fait, je ne vois pas très bien la pertinence de prise de charges au sein du CFOP, elle est suffisamment ternie. Ce n’est pas pertinent dans l’immédiat, peut-être à l’avenir car il y a une crise de crédibilité ».
Le Pr Abdoulaye Soulama prévient d’ailleurs le nouveau CFOP à propos. « Il doit travailler sur les défauts, surtout envers l’exclusion et l’acceptabilité. Il ne faut pas faire en sorte que le cadre de concertation de l’opposition politique soit réservé aux amis politiques, ce sera une grosse erreur » dit-il. Puis d’ajouter, « il faut que l’opposition soit reconnue dans sa diversité, parce que la classe politique est diverse, avec plusieurs orientations, gauche, droite, centre-gauche, centre-droite ; l’opposition doit accepter et être marquée par cette diversité. De toute façon, cette diversité s’impose au nouveau du chef de file de l’opposition. Il lui faut de l’action, parce que la gouvernance de Roch Kaboré est une gouvernance déclinante, c’est une gouvernance qui ne laisse pas place aux valeurs. Il n’y a aucune place aux vertus, alors que nous avons besoin de dirigeants exemplaires. Le nouveau chef de l’opposition se devait de mener des actions pour interpeller, pour contredire le chef de l’Etat. »
« Je suis le vrai chef de file de l’opposition » Pr Soma
Le Pr Soma tient d’ailleurs à ce qu’une place soit accordée à son bord. : « je suis la deuxième branche de l’opposition et évidemment, je vais travailler dans le sens en coordination avec le chef de file de l’opposition. Je suis le vrai chef de file de l’opposition, parce que le chef de file de l’opposition actuel, c’est l’opposition parlementaire ; on sait que l’opposition parlementaire ne vaut plus rien, il n’y a que 20 à 27 députés sur les 127, ils peuvent toujours s’opposer à la majorité, mais cela n’apportera rien. Il faut une opposition, extraparlementaire, et je suis le chef de cette opposition extraparlementaire »
Me Ambroise Farama quant à lui, « n’attend pas grand-chose » du nouveau CFOP. Pour lui, il y a un piège. « Le contexte dans lequel le chef de l’opposition prend ses responsabilités, j’avoue que je trouve un certain piège, celui de la réconciliation nationale. Pour moi, le plus grand bénéficiaire de la réconciliation nationale, c’est bien entendu, le CDP ; vous imaginez bien, le chef de file de l’opposition qui se trouve être celui du CDP être dans une logique de rôle d’opposition ? Nous appelons, à une création d’une force révolutionnaire pour contrer le pouvoir actuel, qui est en train de mettre en place un parti d’Etat.
Cependant, Yéli Monique Kam, présidente du MRB espère encore. « Nous sommes curieux de savoir comment il va diriger le CFOP, mais je crois qu’il va contribuer au renforcement de la démocratie » confie-t-elle.
Un autre candidat malheureux de la présidentielle et anciennement à l’opposition, Tahirou Barry du MCR confie qu’il y est et y restera.