Accusé de divers crimes, commis lors de la crise ivoirienne post-électorale de 2011, le procès d’Amadé Ouérémi, chef de milice tribale du mont Peko a débuté, le mercredi 24 mars 2021 au tribunal criminel d’Abidjan. L’ancien seigneur de guerre est seul à comparaître dans cette affaire de massacre à grande échelle qui aurait fait environ 800 morts. Ce qui suscite de nombreuses questions.
Dix ans après les faits, la Justice ivoirienne a enfin décidé de se pencher sur le dossier qui a fait couler tant d’encre et de salive en Côte d’Ivoire. Il s’agit de l’affaire Amadé Ouérémi, ancien bandit qui aurait prêté main-forte aux ex-rebelles lors de la conquête de cette région en 2011. Arrêté en 2013, il est accusé d’être l’artisan du massacre de Duékoué. Dans cette affaire, une vingtaine de chefs d’accusation pèsent sur lui: des délits au génocide en passant par les coups et blessures volontaires et autres tentatives de viols.
Devant le tribunal, le prévenu se défend de n’avoir été qu’un supplétif des FRCI (Forces républicaines de Côte d’Ivoire), excroissance de l’ex-rébellion devenue l’armée de Ouattara après l’élection présidentielle d’octobre 2010. Il soutient qu’« on veut l’utiliser comme un torchon qu’ils ont pris pour essuyer leur caca. Aujourd’hui, ils veulent tout mettre sur moi. Moi je ne pouvais pas faire tout ce dont on m’accuse aujourd’hui. Nous étions chargés de recharger les fusils de munition ». D’où l’interrogation : pourquoi, il est le seul à comparaître dans cette affaire de tuerie à grande échelle?
Amadé Ouérémi serait-il le bouc émissaire qui payer pour tous les crimes de l’armée de Ouattara ? La suite du procès nous le dira. Avec ce procès, on peut dire que la justice ivoirienne a peut-être fait une grosse prise. Mais, l’on ne peut que craindre qu’Amadé Ouérémi ne soit finalement un agneau de sacrifice dans cette crise post-électorale qui est loin d’avoir livré tous ses secrets.
Il reste maintenant à savoir si une telle démarche ne serait pas préjudiciable à la réconciliation en Côte d’Ivoire. Car cela fait dix ans que l’enfant terrible de Kong au pouvoir peine à entamer un réel processus de réconciliation. Avec cette manière de faire les choses certains vont continuer de crier à une justice à double vitesse, des vainqueurs et donc instrumentalisé pour servir les désirs des princes du moment. D’aucuns estiment que cette cette façon cavalière de rendre la justice n’est que la mise en œuvre d’un scénario monté de toutes pièces pour couper l’herbe sous les pieds de la Cour pénale internationale (CPI) qui souhaite aussi enquêter dans les rangs des partisans de Ouattara.
Pour revenir à cette affaire de Duékoué, la Justice ivoirienne, doit aller au-delà de la seule personne du chef milicien. Et tout ce qu’on lui demande, c’est qu’elle fasse toute la lumière sur ces atrocités qui continuent de hanter la conscience humaine. Et si Amadé Ouérémi est coupable, qu’il soit châtié à la hauteur de ses crimes. Mais vouloir le faire porter le fardeau à lui seul suscite des questions car cela peut aussi contribuer à révéler des plaies non cicatrisées.
Déjà Amadé Ouermi semble décidé à ne pas porter seul la croix épineuse des tueries de Duékoué. « C’est le lieutenant Coulibaly de Kouibaly qui nous a livré des armes de guerre utilisées pour la prise de Duékoué sur instruction du Commandant Losséni Fofana dit Loss, tout comme les tenues militaires utilisées » a déclaré à la barre, le présume coupable, Amadé Ouérémi. Il ne s’arrêtera pas là. Le procès promet des révélations. Sauf si, en coulisses, les maîtres d’Abidjan ne réussissent d’une manière ou d’une autre le faire taire.
Amadé Ouérémi va certainement écoper de lourdes peines. Mais la plaie de Duékoué restera largement ouverte et tardera à se cicatriser pour un retour effectif de la paix et de la cohésion sociale dans cette partie du pays.