L’agriculture occupe près de 86% de la population active au Burkina Faso. Malgré tout, l’agriculture ne semble pas prioritaire dans les politiques publiques. Pour preuve, plusieurs acteurs trouvent que le secteur est sous-financé et même abandonné.
Pour la campagne agricole en cours, l’ambition du gouvernement est de réaliser une production de 1000 000 de tonnes de riz. Il entend ainsi offrir, à compter de cette année scolaire 2020-2021 un repas équilibré aux enfants en âge d’aller à l’école.
Si l’Initiative est bien appréciée par les populations, les agriculteurs modestes posent le problème crucial du financement de leur activité. La plupart d’entre eux trouve que malgré le discours politique, l’agriculture qui mobilise 86% de la population active, nourrit plus de 90% des ménages et participe à hauteur de 35% à la formation du Produit intérieur brut, est peu financée. Et les chiffres semblent le confirmer.
Réduction du budget du ministère de l’Agriculture en 2020
Les Etats africains ont pris un engagement ferme en juillet 2003. Ils ont promis lors d’un sommet de l’Union africaine d’appliquer le Programme détaillé de développement de l’Agriculture africaine (PDDAA). Par cet engagement, les pays d’Afrique ont décidé de consacrer 10% de leur budget au secteur agricole.
En 2019, le Burkina Faso était dans les normes avec près de 10,23% du budget à l’Agriculture. En 2020, ce budget a été réduit à 8,86%. Si fait que l’Etat couvre faiblement les besoins en engrais, en semences et en équipement agricole.
Sur la période 2016-2018, le financement de l’Etat burkinabè a couvert seulement 1,5% des besoins en engrais minéral. L’ancien ministre en charge de l’Agriculture, Jacob Ouédraogo avait annoncé en conférence de presse tenue le 28 septembre 2018 que son département a mis à la disposition des producteurs 16 000 tonnes d’engrais, 8 155 tonnes de semences améliorées, 1 150 000 boutures de manioc et de patate, 27 400 unités d’équipements agricoles, 10 500 animaux de trait et 20 000 litres de pesticides (le tout à prix subventionné). Le cout global de soutien aux producteurs du Burkina Faso était estimé à 16 milliards.
En 2019, il y a eu une petite amélioration avec 3% de besoins en engrais couverts. Pour l’année 2008, un budget de 4 milliards a été consacré à l’engrais contre 5,8 milliards en 2018 et 2 milliards en 2017.
Durant la dernière décennie, 2014 reste une année exceptionnelle pour les acteurs du monde agricole. 10 milliards de francs CFA avaient injectés pour acquérir de l’engrais au profit des paysans.
Pour la présente campagne agricole, le ministère de l’Agriculture a acheté et mis à la disposition des agriculteurs, toutes les semences certifiées produites par les producteurs semenciers burkinabè (13 000 tonnes).
En ce qui concerne les charrues, ce sont autour 15 000 charrues qui sont donnés par an aux producteurs contre un besoin annuel de 100 000. Soit un manque énorme de 85 000 charrues par an. « En 2019, le Burkina Faso avait budgétisé seulement 6,7milliards pour les équipements. Mais en 2020, c’est 12,7milliards qui y ont été injectés », confie un agent du département comme pour dire qu’il y a une certaine avancée. « Il n’y a pas de lignes budgétaires sécurisée pour le financement de l’agriculture. Ce n’est pas tout l’argent du ministère qu’il faut mettre dans les semences et dans les engrais. Il y a des aménagements hydro-agricoles à faire. Il faut maitriser l’eau, sécuriser les sols, etc. », poursuit-il.
En plus de la faiblesse du financement de l’agriculture, des paysans dénoncent des retards dans la livraison des intrants. « Cette année (2020), nous avons reçu des semences et des engrais en septembre (ndlr dans le nord du pays). C’est pour faire quoi avec ça « , s’interroge un agriculteur.
Toujours espoir…
Du coté des autorités, des actions sont menées pour amoindrir les souffrances des agriculteurs. Le 29 novembre 2019, le ministère de l’Agriculture a doté les producteurs de 400 tracteurs. Cela s’inscrit, dit-on, dans la volonté de mécaniser l’agriculture. « Même si chaque paysan n’en a pas bénéficié, ceux qui ont exprimé le besoin ont bénéficié du service des tracteurs », commente un agent du ministère de l’Agriculture.
Selon plusieurs observateurs, les problèmes d’intrants et autres matériels agricoles vont connaitre bientôt une solution avec notamment la création de la Centrale d’approvisionnement en intrants et matériels agricoles (CAIMA) dont les administrateurs ont déjà été désignés. En attendant de la voir à l’œuvre, cette structure suscite espoir chez nombre d’acteurs.
Une autre bonne nouvelle pour le secteur de l’agriculture va connaitre une augmentation de son budget. Du moins si le projet de Loi de finance 2021 passe en l’état. En effet, le portefeuille du MAAH doit être majoré de 26 258 542 000 000 francs soit une variation de 21,38% comparativement à 2020. Dans les prévisions, le budget du ministère de l’Agriculture passe de 103, 611 à 136,869 milliards en 2021.
Le Mali mise sur l’agriculture
Alors que le Burkina Faso est à la traine, son voisin malien sous le magistère du ci-devant président Ibrahim Boubacar Keita a alloué ces dernières années 15% du budget de l’Etat à l’agriculture. Le budget citoyen 2020 du Mali évoque « des dépenses dans le domaine de l’Agriculture d’un montant total de 391,1 milliards de FCFA en 2020 contre 304,3 milliards de FCFA dans le budget 2019, soit une augmentation de 86,8 milliards de FCFA ».
La subvention en engrais permet de couvrir 100 000 hectares avec priorité aux exploitations familiales. L’Union africaine cite les pays comme le Mali, le Togo, le Malawi, le Ghana, le Nigéria, etc. parmi ceux qui ont rapidement appliqué le Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA) avec pour résultat l’augmentation de la productivité des terres agricoles de l’ordre de 5,9 % à 6,7 % par an. Ce qui a permis également de réduire le taux de malnutrition (2, 4% et 5,7% par an).
D.W.O