Depuis son accession à l’indépendance en 1960, le Burkina Faso reçoit divers appuis sous forme d’aide publique au développement (en moyenne 962,8 millions de dollars soit 599 milliards de francs CF). Ces aides visent à contribuer au développement du pays. Selon une étude réalisée par le Centre d’études et de recherche appliqué en finance publique (CERA-FP) et ses partenaires sur l’efficacité de l’aide publique au développement, il ressort que celle-ci n’est pas la hauteur des attentes et les résultats restent mitigés. L’atelier de restitution de l’étude a eu lieu ce jeudi 23 juin 2022 à Ouagadougou.
Le développement du Burkina Faso, considéré comme l’un des pays les moins avancés, est fortement dépendant des ressources de l’aide publique au développement (APD) selon cette étude du CERA. En effet, le pays reçoit des flux importants de ressources sous forme de prêts et de dons pour soutenir son budget et pour la réalisation de projets d’investissements publics. Ainsi, l’APD participe à plus de 50% des dépenses des investissements publics selon les chiffres publiés par le consultant Yoropo Abdoul Dembélé par ailleurs président du conseil d’administration du CERA-FP.
Selon les statistiques présentées par le PCA du CERA-FP, depuis son indépendance, le Burkina Faso reçoit en moyenne chaque année au titre des aides matérielles, financières ou techniques approximativement 962,80 millions dollars selon l’OCDE. Ces aides représentent 14% du RNB (Revenu National Brut) depuis 2005 et 52.7% du budget national (INSD). Malgré une baisse relative à travers le temps, le poids de l’APD dans le PIB reste important avec un niveau estimé à 8,9% du PIB en 2014, mettant en exergue la dépendance du pays vis-à-vis des appuis extérieurs pour le financement de son développement.
Ces ressources sont utilisées par le pays pour soutenir les secteurs sociaux (santé, éducation, action sociale etc.) et les investissements dans le domaine de l’agriculture et la réalisation d’infrastructures. Ces fonds ont pour objet de faire progresser le développement en combinant à la fois les transferts de ressources financières, les conseils économiques et techniques et les transferts de connaissances ou de technologies. Les secteurs les plus ciblés sont la santé, l’assainissement, l’éducation, les infrastructures ainsi que le renforcement des systèmes fiscaux et des capacités de l’administration publique, etc. L’APD au Burkina Faso est octroyée sous forme d’aide projet, d’appui budgétaire, d’aide alimentaire ainsi que l’assistance et secours d’urgence.
Après plusieurs décennies de coopération au développement, et face aux résultats atteints par l’Aide Publique, de nombreuses interrogations se posent. En effet, malgré des flux importants d’APD au cours des dernières décennies, la situation socioéconomique du pays n’a pas connu d’amélioration significative. Selon le rapport sur le développement humain 2018 du Programme des nations unies pour le développement (PNUD), le Burkina Faso occupe la 47ème place sur 53 pays en Afrique et la 183ème sur 189 pays au niveau mondial avec un Indice de développement humain (IDH) de 0,402.
Les objectifs de cette aide publique au développement pour le Burkina Faso restent mitigés et ne sont pas à la hauteur des ambitions du pays. Son efficacité est donc remise en cause. Au regard de ce qui précède le consortium CERA/FP, Balai Citoyen et l’AFJ/BF en partenariat avec Oxfam Burkina a commandité la présente étude portant sur l’efficacité de l’APD. Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet « Renforcement des bonnes pratiques et des mobilisations citoyennes en faveur de politiques publiques adaptées à la réduction des inégalités au Sahel ». L’objectif poursuivi par cette étude est la production de connaissances et de données sur l’APD afin d’informer l’opinion publique. Elle sert aussi d’argumentaire de plaidoyer pour les OSC en faveur d’une meilleure gestion de l’APD par les gouvernants.
Globalement, les résultats de l’enquête sous-entendent que de nombreux efforts sont faits pour assurer l’efficacité de l’aide au regard des indicateurs définis. Cependant, le rapprochement des résultats atteints avec les objectifs de développement économique et social laisse transparaitre un goût d’inachevé sinon de recul au regard de certains signaux. Les réformes mettent plus l’accent sur la qualité du processus formel, qui même s’il est en amélioration, reste marqué par de nombreuses insuffisances. Ainsi, la coordination de l’aide n’a pas toujours permis une adaptation des offres d’aides aux priorités et procédures nationales. Aussi, la majeure partie des projets de développement continuent à se concentrer, dans une large mesure, sur des appuis budgétaires sans véritables conditions quant à l’efficacité des politiques. En outre, l’argent de l’aide publique au développement génère une irresponsabilité impressionnante chez les dirigeants et gestionnaires des projets et programmes bénéficiaires.
Malgré ces efforts, le développement structurel du pays reste embryonnaire. Le niveau de pauvreté a augmenté remettant en doute la capacité des flux d’aides à améliorer la situation économique et sociale du pays. Il y a aussi la corruption, la mauvaise gouvernance, la mauvaise gestion des fonds alloués, l’instabilité socio-politique qui entravent la mise en œuvre efficace des projets et programmes de l’APD. Cette situation est une réalité et se traduit par la mauvaise qualité des investissements réalisés. Dans ce sens, de nombreuses infrastructures publiques (écoles, centres de santé, routes, ponts, etc.) construites ces dernières années par l’État sont sujettes à des dégradations rapides (souvent avant leur réception) pour cause de mauvaise qualité suite aux intempéries, selon l’étude.
Face aux insuffisances de l’APD, de nombreux défis restent à relever pour lui permettre de remplir convenablement sa fonction d’instrument de développement. Il s’agit entre autres de l’amélioration de la capacité d’absorption de l’aide, la bonne gouvernance afin de permettre une utilisation efficace des ressources, la recherche de financements innovants, l’harmonisation des procédures des donateurs en les alignant sur les procédures nationales, l’allègement de la dette afin de rendre l’aide efficace, la meilleure gestion et coordination des ressources, l’amélioration du suivi et l’implication de tous les acteurs dans mise en œuvre des projets/programmes de développement, l’amélioration de la qualité des politiques de développement par un meilleur ciblage des domaines d’intervention, etc.
Des recommandations ont été également formulées à l’endroit des gouvernants et des partenaires pour plus d’efficacité de l’APD afin qu’elle contribue véritablement au développement socio-économique du pays.
Il s’agit notamment de développer des alternatives au niveau national permettant de contenir les effets des instabilités liées au contexte international afin de maintenir le cap en cas de tarissement ou de suspension des financements extérieurs, d’inclure dans la politique de recours aux financements extérieurs les questions stratégiques pour la consolidation et l’autonomisation du socle de développement, d’améliorer l’identification et le ciblage des projets/programmes en mettant l’accent sur les secteurs productifs à fort impact sur le développement, d’intensifier les actions de lutte contre la corruption par l’application effective de sanctions et l’amélioration de la transparence, etc.
A l’endroit des partenaires, il s’agit de garantir le respect des engagements en améliorant la prévisibilité de l’aide et le respect des principes d’efficacité de l’aide, accroître les ressources au profit des secteurs de construction des capacités réelles et endogènes de développement (recherche et innovation, transfert de technologie, etc.), subordonner l’octroi de l’APD à l’atteinte de résultats tangibles, etc.