7 décembre 2024
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Burkina : « Des militants de partis politiques se sont adonnés à des actes qualifiés d’indiscipline envers leurs formations politiques d’origine», Pascal Zaïda, président du CED


Ceci est une déclaration de Pascal Zaïda, président du cadre d’expression démocratique, sur la nomadisme des conseillers municipaux.

L’opinion a été prise de stupéfaction en prenant connaissance du contenu d’une lettre circulaire numéro 2021-0103/MATD/CAB du 27 avril 2021 du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation dont l’objet est : « application des dispositions du code électoral applicables à la démission des des conseillers municipaux et régionaux de leurs partis ». Ladite circulaire instruit les gouverneurs, Haut-commissaire et préfets d’engager des procédures relatives à la démission et au remplacement des élus municipaux dits « nomades ».

En effet, à la faveur des élections couplées de novembre 2020, des militants de partis politiques se sont adonnés à des actes qu’on pourrait qualifier d’indiscipline envers leurs formations politiques d’origine. Ces militants se sont portés candidats sur des listes de partis tiers ou ont choisi de battre campagne pour des candidats autres que ceux de leur parti d’origine.

En rappel, le nomadisme politique est réprimé par les textes. C’est la raison pour laquelle les comportements défiants la morale et l’éthique en politique comme ceux des personnes concernées dans la présente situation demeurent également répréhensibles au regard des préjudices que subissent les partis qui en sont victimes.

Toutefois, la situation actuelle reste particulière et complexe au sens où les dispositions actuelles de la Constitution et du Code électoral n’offrent pas de solution.

La Constitution dispose à son article 85 que : « Chaque député est le représentant de la nation . tout mandat impératif est nul. Toutefois, tout député qui démissionne librement de son parti ou de sa formation politique ou qui perd son statut d’indépendant notamment en devenant membre d’un parti ou formation politique est déchu de son mandat. Il est procédé à son remplacement conformément à la loi.» Quant au Code électoral celui-ci dispose à son article 238 que : « Les conseillers municipaux sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans. Les conseillers sortants sont rééligibles. Tout conseiller municipal qui démissionne librement de son parti ou de sa formation politique en cours de mandat est remplacé par un suppléant. Il en est de même pour tout conseiller qui indépendant qui adhère à un parti ou formation politique.»

A l’analyse des textes existants actuellement en matière de nomadisme, seule la question de la démission « librement consentie » est résolue de manière claire et précise tant pour les députés que les conseillers municipaux. En revanche, par rapport à la forme du nomadisme dont il est question présentement, l’on constate malheureusement un vide juridique. La loi reste silencieuse.

Fort heureusement, le 03 décembre 2020, une saisine du conseil constitutionnel par le ministre de l’administration territoriale a permis au juge administratif de donner l’avis juridique n°02-/2020 ci-après :

« Tout élu local qui change d’allégeance partisane en cours de mandat électoral ou tout autre élu qui s’est présenté sous les couleurs d’un parti en en défendant les principes et le programme, rompt en quelque sorte ce «contrat moral» et renie ses présumées convictions d’hier pour adhérer à un autre parti est, de fait ou tacitement démissionnaire. Il appartient à son parti d’origine soit:

1- de l’inviter à acter sa démission dans un délai raisonnable ;
2- et, à défaut de constater son départ, de déduire à une démission tacite et d’en tirer les conséquences.»
Nonobstant cet avis suffisamment clair et, alors qu’on s’attendait à voir le problème de ces élus résolu suivant la voie juridique du juge administratif, s’appuyant sur une décision du conseil des ministres le Ministre de l’Administration territoriale par sa lettre du 27 avril 2021, a instruit les Gouverneurs, Haut-commissaires et préfets, d’enclencher des procédures à l’encontre des conseillers municipaux et maires « nomades ».
Cette utilisation de l’appareil d’Etat est en contraction flagrante de la décision du conseil d’Etat pose un problème d’immixtion de l’Administration dans des affaires partisanes.

On est d’ores et déjà en droit de se demander pourquoi alors avoir saisi la plus haute juridiction de l’ordre administratif si c’est pour ne pas respecter sa décision après coup ?

En conséquence, le recours à l’Etat pour résoudre cette équation purement partisane et qui relève des questions internes de partis politiques n’est ni plus ni moins qu’une forme de répression politique dans laquelle la puissance publique se compromet dans un abus.

Dans un Etat de droit respectable et respectueux de la loi, de tels agissements de l’Etat sont à bannir car, c’est une remise en cause de la démocratie et des droits élémentaires du citoyen. Il convient de condamner cette confusion des rôles entre l’Etat et les partis politiques qui ouvre la voie à l’arbitraire sous toutes ses formes. Nous exigeons pour ce faire, à partir du moment où il existe un avis du conseil d’Etat, que l’Etat, les gouverneurs, les Haut-commissaires et les préfets soient tenus à l’écart de cette question purement de la vie et du fonctionnement interne des partis politiques et que l’Etat laisse la place aux partis victimes de s’assumer.
C’est une situation anachronique qui ne laisse personne indifférent et qui suscite beaucoup la réprobation. À ce propos on peut citer la sortie de l’ancien premier ministre Luc Adolphe Tiao, qui inquiète d’une telle démarche qui pourrait occasionner une dérive gravissime de l’Etat.
Au regard de ce qui précède :

  • Le CED appelle tous les démocrates et les citoyens épris de justice, de liberté et de droits à rejeter cette stratégie de la terre brûlée du ministère de l’administration territoriale laquelle trahit manifestement des règlements de comptes politiques plutôt qu’une réelle volonté de trouver des solutions justes et de droit au problème du nomadisme que nul n’encourage par ailleurs.
  • Le CED sera dans l’obligation avec ses partenaires de la société civile à se faire entendre très prochainement et de manière appropriée devant l’opinion nationale et internationale au cas où il y a un entêtement du MATD à vouloir mettre en exécution son rouleau compresseur de l’administration en foulant aux pieds et en attentant au droit édicté par une juridiction nationale.

Fait à Ouagadougou le 3 mai 2021
Pour le Cadre d’Expression Démocratique
Le Coordonnateur national
Pascal ZAIDA

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