Dans cette tribune l’expert des tics et d’analyse politique, Maixent Somé dénonce les violations du droit par les nouvelles autorités burkinabè. Lisez !
Par cette boutade, Bill Clinton a tué le débat télé lors de l’élection présidentielle américaine de 1992 face à George H. W. Bush. La punch line était de James Carville, son conseiller en stratégie.
Et de fait, c’est ce que je suis tenté de répondre à tous ceux qui parlent de politique au Burkina, mais qui ne comprennent ni le droit, ni l’économie. Or c’est la base de la politique dès lors que l’on considère la politique comme l’art de gouverner la cité pour le bien-être de tous.
Le Burkina forme des milliers de juristes chaque année. Mais on n’entend nos juristes que sur les questions politiques et institutionnelles. Le Burkina forme des centaines d’économistes chaque année. Mais ils se réfugient en milieu universitaire ou dans les institutions financières et monétaires nationales et sous régionales ; et s’y enferment dans leur tour d’ivoire.
Le Burkina a une presse libre et très diversifiée. Mais son activité se limite à l’actualité politicienne et aux faits divers. Le Burkina compte énormément d’intellectuels. Mais ils ne s’intéressent qu’aux questions politiques, sans maitrise des questions économiques, et donc de manière idéologique et dogmatique. De fait, l’opinion publique burkinabè est laissée à son ignorance sur ces deux éléments cruciaux que sont le droit et l’économie.
Le surmoi marxisant qui caractérise tous ceux qui ont fait des études supérieur au Burkina, aboutit à un étatisme stérile. On attend tout de l’État, mais l’État ne peut pas tout. L’État ne peut pas salarier tout le monde. L’URSS et la Chine de Mao ont essayé cela, avec le résultat que l’on sait. Aujourd’hui, même la Corée du Nord et Cuba ont partiellement libéralisé leur économie !
Le rôle de l’État, c’est de mettre en place un cadre juridique et règlementaire qui favorise la création d’entreprises privées prospères et créatrices d’emplois.
Le climat des affaires est capital pour le développement d’un pays.
« Le métier politique ne consiste pas à inventer les solutions.
C’est l’affaire d’experts, de chercheurs, de spécialistes en sciences exactes et plus encore en sciences humaines. Le métier politique, explicitement et limitativement, consiste, devant un problème repéré, à faire l’inventaire des solutions proposées par la science ou la technique, puis à choisir celle qu’il pense pouvoir faire accepter à l’opinion et grâce à cela la traduire dans les décisions législatives ou réglementaires. » Michel Rocard.
Or que constate-t-on au Burkina Faso ? Que pendant que l’État est complètement failli sur les questions régaliennes, il se mêle de tout ce qui n’est pas de son ressort !
Pire, les politiques rendent le climat des affaires tellement délétère que les investisseurs internationaux, déjà passablement effrayés pour l’insécurité et l’instabilité politique, soit, fuient le pays, soit, demandent des primes risque exorbitants.
Quand aux investisseurs locaux soumis à l’arbitraire car ne pouvant pas faire recours aux tribunaux arbitraux internationaux, ils préfèrent se réfugier dans l’immobilier et/ou dans l’Import/Export plus rentables, moins risqués, mais qui créent très peu d’emplois…
Les violations du droit
Hier (Ndlr: mercredi 25 mai) le Conseil des ministres, dans sa frénésie de remplacement à tous les postes juteux, a dégagé deux DG. Celui de la CNSS et celui de la Banque Agricole du Faso (BADF). « Monsieur Daouda SIMBORO est démis de ses fonctions avec effet immédiat. En attendant la nomination d’un nouveau Directeur général, le Directeur général adjoint de la Banque assure l’intérim de la Direction générale. »
Le Conseil des ministres qui révoque un DG de Banque.
C’est une SA avec un Conseil d’Administration … et soumise à la réglementation bancaire… Ses dirigeants sont agréés par la commission bancaire !
Rien à voir avec le DG de la CNSS également viré, qui lui est nommé en conseil des ministres ! Une violation fragrante du droit des entreprises et de tous les actes relatifs à la réglementation bancaire. En plus de notre justice nationale, la cour de justice de l’UEMOA et, partant, de l’espace OHADA sont concernés.
Le DG de Air Burkina également a été révoqué de la même manière en conseil des ministres. Même si l’État est actionnaire majoritaire il n’a pas à révoquer ou à nommer un DG sans l’aval du CA…
Une communication irresponsable
Monsieur Bassolma Bazié, Ministre de la Fonction Publique, du Travail et de la Protection Sociale, se comporte en ministre des Mines et Carrières depuis l’accident de la mine de Perkoa, dans son Sanguié natal, et multiplie les déclarations tapageuses.
Lors de son passage dans l’émission Le Tribunal de l’actualité de la Radio Wat FM, il déclarait ceci entre autres punch lines : « Celui qui pense que les conditions d’exploitation de nos mines ne lui convient pas, il peut plier bagage…C’est fini les comportements esclavagistes…
Il y a des régions au Burkina ou le Gouverneur appelle le responsable minier et il ne décroche pas…ça ne doit plus se faire…
J’ai appris même que les responsables de la Mine ont menacé de licencier du personnel parce que les rendements baissent alors que les résultats disent le contraire… »
Quand on connaît le caractère explosif de la question foncière et de l’orpaillage artisanal dans ce pays, de telles déclarations sont extrêmement graves !
Et d’ailleurs, cela n’a pas tardé à produire son effet. Quelques jours après cette émission qui a fait le buzz, des troubles occasionnés par des orpailleurs au sein de la société minière Houndé Gold Opération (HGO), dans la province du Tuy, ont fait d’importants dégâts matériels et entraîné une paralysie de la ville toute entière.
Ce mouvement de colère fait suite à un ordre d’expulsion d’orpailleurs clandestins qui exerçaient aux alentours de la mine. Les incidents sont fréquents sur les sites aurifères burkinabè où les populations des localités abritant ces mines estiment que les retombées pour les communautés locales sont très faibles. Mais dans le cas d’espèce, il n’est pas exagéré de dire que ces orpailleurs ont trouvé une forme de légitimation dans les propos du ministre…
De même, le discours sur la vie chère est totalement délirant. C’est le marché (offre et demande) qui fixe le prix des denrées alimentaires, des hydrocarbures, etc. Le gouvernement ne peut que les subventionner. Ce qui revient à faire payer la consommation des uns par l’impôt de tous, et/ou la dette ! Le cas des boulangeries est très parlant de ce point de vu.
Le Burkina ne produit pas de blé. Par quel miracle voulez-vous que le prix du pain reste stable alors que le prix du blé flambe partout dans le monde depuis le blocus de la Russie en mer Noire qui empêche l’Ukraine, premier producteur mondial, d’exporter son blé ?
La défiance des marchés
Le Burkina a émis ce 25 mai une double Obligation de relance du trésor (ORT) de maturité 5 et 7 ans sur le marché monétaire de l’UMOA pour solliciter une enveloppe de 40 milliards FCFA et l’opération n’a suscité que peu d’engouement chez les investisseurs d’après les résultats présentés par l’agence UMOA-Titres.
L’émission a vu la participation de 11 investisseurs en provenance de seulement 4 pays sur les 8 États membres de la région, à savoir le Bénin (2 milliards F CFA), le Burkina Faso (13,90), la Côte d’Ivoire (6 milliards F CFA) et le Togo (4,5 milliards F CFA).
Ces derniers ont fait des offres d’un montant global de 26,40 milliards F CFA, soit moins que les 40 milliards F CFA initialement recherchés par le pays. Un fait particulièrement rare dans une région où les investisseurs ont pour coutume de se ruer sur les emprunts émis par les États.
A titre d’illustration, il y a moins d’une semaine le 20 mai dernier, le Sénégal qui sollicitait un emprunt de 35 milliards F CFA (une ORT sur 5 ans au taux de 5,25% ; ici, sur 5 ans, le Burkina proposait un taux supérieur de 5,8%) avait reçu des offres largement supérieures à hauteur de 67,02 milliards F CFA.
Pour rappel, les levées de fonds sous le régime Kaboré provoquaient à chaque fois plus d’offres que la somme demandée…Ces sujets pourtant centraux sont évacués du débat public. Or, ce sont eux qui déterminent tout le reste dans un pays.