Le Centre d’Etudes et de Recherche Appliquée en Finances Publiques (CERA-FP) a organisé ce mardi 28 décembre 2021 une conférence de presse pour présenter les dépenses fiscales de l’Etat burkinabè. Il s’agit de contribuer à promouvoir la transparence dans la gestion des dépenses fiscales au Burkina Faso. L’Etat burkinabè perd en effet des centaines de milliards dans les exonérations fiscales.
Les dépenses fiscales constituent une option politique pour encourager les investissements directs étrangers et l’émergence d’un secteur privé national selon le CERA-FP. Aussi, les dépenses fiscales (exonérations fiscales et douanières et incitations fiscales) sont réalisées suivant les choix révélés ou discrétionnaires des dirigeants. Toutefois, aussi nobles soient-ils, les objectifs des dépenses fiscales peuvent conduire à l’accroissement des inégalités sociales et économiques.
Depuis 2018, le Centre d’Etudes et de Recherche Appliquée en Finances Publiques qui milite pour une gestion efficace et efficiente des ressources publiques en faveur des populations réalise une étude sur les dépenses fiscales au Burkina Faso. Cette étude entre dans le cadre de la mise en œuvre du projet « Initiative multipartite pour une économie humaine en Afrique ». Une étude citoyenne qui répond à la directive n°01/2009/CM/UEMOA portant code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’UEMOA qui demande aux états membres d’annexer au projet de loi de finances le montant des dépenses fiscales. Une directive internalisée au Burkina Faso à travers la Loi N° 008-2013 /AN portant code de transparence dans la gestion des finances publiques au Burkina Faso.
Ce document est élaboré dans le but de susciter des débats publics autour des dépenses fiscales afin d’influencer les décisions de dépenses fiscales pour mieux prendre en compte les aspirations et les besoins des citoyens selon le CERA-FP. Il s’agit de demander de la transparence à l’Etat dans la gestion des dépenses fiscales qui font perdre des milliards à l’Etat burkinabè. C’est aussi de contraindre les autorités à publier les rapports des dépenses fiscales et à prendre en considération les besoins des populations notamment les plus vulnérables.
Selon Hermann Doanio secrétaire exécutif du CERA-FP, l’objectif des dépenses fiscales est d’encourager les investissements, promouvoir le partenariat public-privé, promouvoir l’énergie solaire, les PME/PMI, réduire les coûts des facteurs de production, renforcer la coopération internationale, soutenir le pouvoir d’achat des populations, etc. Par exemple, sur la période 2016-2020, les dépenses fiscales pour encourager l’investissement s’élevaient à 62,15%, 17,15 pour renforcer la coopération internationale, 8,43 pour promouvoir l’énergie solaire et de 5,36 pour soutenir le pouvoir d’achat.
Il ressort de l’étude du CERA-FP que les droits de douane, l’impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée sont les dépenses fiscales les plus prédominantes. Toujours selon ce rapport, les principaux bénéficiaires des dépenses fiscales de 2016 à 2020 sont les entreprises qui représentent 71,3% en 2020 suivies des ménages avec 13,9% et des administrations publiques avec 8,1%. Ces trois groupes fiscaux absorbent plus de 93,3% des dépenses fiscales, soit un montant de 102,86 milliards de FCFA. Selon le rapport du CERA-FP, on note 40 milliards de FCFA de pertes fiscales pour l’Etat burkinabè au profit des multinationales. De l’étude du CERA-FP, il ressort aussi que les pertes fiscales estimées dans le cadre de la réponse économique à la crise sanitaire sont évaluées autour de 214,466 milliards de FCFA. Ce chiffre comparé au montant total des dépenses fiscales évaluées en 2020 qui est de 110,28 milliards de FCFA, montre qu’une partie des dépenses fiscales restent non-évaluée et donne une idée du manque à gagner pour l’Etat burkinabè.
Ce qui démontre également que les entreprises profitent plus des dépenses fiscales que les autres composantes. D’où la nécessité d’évaluer l’impact socio-économique de ces mesures, questionner sur la valeur ajoutée de ces entreprises afin de mettre en place des meilleures stratégies de recouvrement. Ce manque à gagner pourrait servir à construire des centaines d’écoles, de forages, des CSPS, des infrastructures routières, etc.
Dans le but de promouvoir la bonne gouvernance économique à travers la transparence dans la gestion des dépenses fiscales, le CERA-FP a formulé des recommandations à l’endroit de l’Etat burkinabè et à l’endroit de la société civile.
L’Etat doit prévoir les dépenses fiscales par objectif dans le budget de l’Etat à soumettre à l’appréciation et à l’autorisation du parlement, faire une évaluation d’impact socio-économique des mesures dérogatoires spécifiques accordées dans le cadre des crises du covid19, sécuritaire, alimentaire et la question des déplacés internes. L’Etat doit aussi faire paraitre les rapports publics, l’efficacité en termes d’effets et d’impact socioéconomique de ces dépenses fiscales par nature, bénéficiaire et objectif.
Selon le CERA-FP, la société civile doit faire un plaidoyer auprès des autorités gouvernementales pour l’institution d’une rencontre annuelle Etat-Société civile sur les dépenses fiscales, créer un débat sur les rapports d’évaluation des dépenses fiscales pour mieux éclairer l’opinion publique.