Dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre, l’Unité d’action syndicale (UAS), les centrales syndicales et les syndicats autonomes dénoncent les actions du gouvernement qui, selon eux, bâillonnent les organisations syndicales et démocratiques.
L’Unité d’Action Syndicale (UAS) fait le constat d’une rupture de fait du dialogue social. Pour preuve, il y a la non-tenue de la rencontre Gouvernement/Syndicats depuis 2022 et le choix opéré par le gouvernement de ne pas répondre à nos correspondances notamment celles qui l’interpellent sur un certain nombre de préoccupations.
Face au choix du gouvernement de ne pas répondre à nos correspondances, l’UAS a décidé de lui adresser désormais des lettres ouvertes qui présentent l’avantage de prendre l’opinion à témoin sur ce que nous entreprenons en direction de l’exécutif.
Excellence Monsieur le Premier ministre,
La répression engagée par le gouvernement contre le Secrétaire général confédéral de la CGT-B et les péripéties autour de la commémoration du 1er mai 2024 illustrent la volonté du gouvernement de bâillonner le mouvement syndical.
Pour la commémoration du 1er mai de cette année, l’UAS a rempli les formalités relatives à l’organisation de la marche-meeting et de la remise d’une plate-forme revendicative. Nous avions même reçu de notre ministre de tutelle une correspondance annonçant que le gouvernement nous attendait le 1er mai à 9H à l’immeuble de la Réforme. Mais c’est la veille dans la nuit, que par appel téléphonique, Monsieur Mohamed SAVADOGO, Directeur de cabinet du ministre en charge de la fonction publique et du travail a informé le président de mois de l’UAS qu’en principe, le Président de la délégation spéciale (PDS) de la commune de Ouagadougou, M. Maurice KONATE, devait nous notifier l’interdiction de la marche et que par conséquent une délégation gouvernementale se proposait de venir à la Bourse du Travail pour réceptionner la plate-forme revendicative. Effectivement, la même nuit, la délégation spéciale a appelé un membre du comité d’organisation pour l’informer qu’elle avait une lettre destinée à l’UAS. Cette lettre est arrivée à la Bourse du travail le mercredi 1er mai, jour du meeting. Comme on peut le constater, la réaction des différentes autorités manquent de cohérence et traduisent une machination contre l’UAS.
L’UAS note, au regard de ces éléments, que visiblement la décision d’interdire la marche a été prise en dehors de la délégation spéciale. Elle a sursis à la marche par esprit de maturité et parce que celle-ci était destinée à transmettre une plate-forme revendicative à une autorité qui ne serait pas présente.
Sur les motifs avancés par le PDS, nous faisons les observations suivantes :
- le communiqué N°3 du MPSR2 (qui du reste est en violation de la Constitution) ne peut être évoqué puisque le 1er mai 2023, l’UAS a organisé une marche-meeting après en avoir informé la même délégation spéciale. Et vous étiez à la tête de la délégation gouvernementale qui a réceptionné la plate-forme revendicative; et pour les organisations qui soutiennent le pouvoir, c’est comme si ce communiqué n’existait pas puisqu’elles organisent régulièrement des manifestations publiques, occupent l’espace public sans aucune restriction de la délégation spéciale ;
- le motif de la situation sécuritaire non plus n’est pas recevable puisque d’autres organisations, notamment celles qui soutiennent le pouvoir, organisent dans le même contexte des manifestations publiques ; du reste, la lettre d’information vise à permettre à l’autorité de prendre les dispositions utiles en cas de besoin pour protéger la manifestation et assurer la sécurité publique. Par ailleurs, pendant que la marche du 1er mai était interdite à Ouagadougou, la Semaine nationale de la culture (SNC) battait son plein à Bobo-Dioulasso en drainant des milliers de participants. A Ouagadougou, des organisations soutenant le régime de la transition ont, en un laps de temps, organisé un défilé de motos et un sit-in devant l’ambassade des Etats-Unis avec un encadrement rapproché des forces de sécurité.
Excellence Monsieur le Premier ministre,
Comme nous le dénonçons régulièrement, votre gouvernement affiche, depuis un certain temps, une volonté manifeste de bâillonner les organisations démocratiques dont l’UAS. Nous estimons qu’il faut donner un sens au rétablissement de la constitution et au serment prêté par le Président de la transition de respecter et de faire respecter la loi fondamentale. La crise sécuritaire ne saurait justifier que les libertés individuelles et collectives soient prises en otage et que les droits n’existent que pour ceux et celles qui soutiennent le régime. Le refus de toute critique et la répression systématique de ceux et celles qui émettent des avis critiques sur la gouvernance ne peuvent que conduire au règne de l’arbitraire, des règlements de compte et la destruction du vivre-ensemble. La communauté existe et se renforce parce qu’il y a une loi qui s’applique à tous et qui protège tous les citoyens contre les abus, y compris ceux qui peuvent venir des détenteurs du pouvoir d’Etat.
L’UAS vous interpelle encore une fois sur la nécessité pour votre gouvernement de respecter et de faire respecter les lois, ainsi que les décisions de justice
Excellence Monsieur le Premier ministre,
L’UAS tient à protester vigoureusement contre les faits suivants :
- le silence du gouvernement suite aux différentes correspondances que lui adresse l’UAS ;
- la grave interdiction de la marche du 1er mai 2024, une interdiction dont le gouvernement est visiblement l’initiateur ;
- les violations répétées des libertés démocratiques et syndicales ;
- les discriminations opérées dans le traitement des organisations concernant les manifestations sur la voie publique.
Vous souhaitant une bonne réception de la présente, l’UAS vous assure de sa détermination à défendre les libertés démocratiques et syndicales et les intérêts matériels et moraux des travailleurs.
Pour les secrétaires généraux, ont signé :
Le Président de mois des Centrales syndicales Le Président de mois des Syndicats autonomes
Olivier Guy OUEDRAOGO Windyam ZONGO
Secrétaire général / CSB Secrétaire général / SYNAPAGER