A Tenkodogo, le Centre Saint Joseph des malades mentaux errants est la seule structure qui accueille, héberge, soigne et réinsère dans la société, des personnes victimes des troubles psychiques et des malades mentaux. Si certains y ont été conduits par leurs proches ou amis, d’autres ont été recherchés par les responsables du centre et y ont été conduits. « On danse, on chante, on regarde la télévision; cela aide les pensionnaires, cela leur fait du bien » et ils se préparent à réintégrer la société. Le centre est une œuvre de l’église diocésaine de Tenkodogo à travers son évêque, Monseigneur Prosper Kontiébo, évêque du diocèse, qui veut redonner la dignité humaine aux malades errants en leur redonnant le sourire. Ce prélat «ne veut laisser aucun frère en humanité trainer». Reportage!
Une fois les pieds dans ce centre à vocation sociale et humaine, nous voilà en face d’un jeune homme, cheveux grisonnants, tendant à blanchir, sourire total et radieux, bras ouverts, la quarantaine bien sonnée; il s’appelle Casimir. Ayant reconnu un visiteur du centre dont il est l’un des locataires, sans hésiter et certainement fier de ce qu’est devenu son état de santé, Casimir s’exclame : « Je sais jouer au tambour ». Pourtant, nous venions à peine d’entamer la visite de ce centre unique en son genre à Tenkodogo dans la section affectée aux malades mentaux.
« Chaque jour, je joue et on danse, j’aime ça », poursuit Casimir tout joyeux, comme s’il saisissait l’opportunité pour étaler tout son talent. Casimir ne va pas tarder à dévoiler ce dont il est capable. A cet instant, c’est le prélat de Tenkodogo lui-même qui intervient. « Il faut lui apporter un tambour, il va jouer et on va enregistrer le son », interpelle, Mgr Prosper Kontiébo, fondateur dudit centre. Pendant ce temps, Casimir, tout sourire jusqu’aux oreilles, le regard confiant se positionne comme s’il n’attendait que cela : faire une démonstration de ses talents de tambourinaires.
Il prend alors le tambour des mains de la sœur Marie Rosalie Ouédraogo, accompagnatrice du centre. Silence! Casimir commence à faire valoir son talent. Avec ces mains agiles, savamment maitrisée, il fait entendre un coup de tambour; puis deux, puis trois. L’on commence à percevoir le son bien rythmé qui sort de ce tambour bien bastonné. Avec un tel son, l’assistance n’a pas pu résister. Aux premiers éclats de rires se sont ajoutés des applaudissements puis des battements de mains pour accompagner et encourager Casimir. La joie se lie sur tous les visages, Casimir en premier. « Ici, on danse, on chante, on regarde la télévision. Cela aide les pensionnaires, cela leur fait du bien, pour tout vous dire, ça les soigne.» Confie la sœur Marie Rosalie Ouédraogo. Pour être complet, dans les actes qui soignent, « on joue au football aussi », renchérit, Mgr Prosper Kontiébo.
Casimir est l’un des 34 pensionnaires du Centre Saint Joseph des malades mentaux du diocèse de Tenkodogo. Il est entouré de tous les côtés par un mur infranchissable d’un peu plus de 5 m de hauteur. La seule porte d’entrée reste régulièrement fermée à clé. A l’intérieur, quelques bâtiments en forme carrée sont construites. L’on remarque également que c’est une cour bien nettoyée, avec des allées entourées de verdure, notamment des arbres et en cette saison hivernale, on y trouve quelques pieds de maïs, des légumes, etc.
Autre fait, non négligeable, il n’y a pas de blouses blanches dans ce centre de prise en charge des malades mentaux, mais juste une femme souriante, vêtue de pagnes complets, crucifix pendu au cou qui est le chef d’orchestre.
D’où viennent les pensionnaires de Saint Josep ?
« Ici, on soigne les malades mentaux errants. Ils sont actuellement 32 pensionnaires, plus deux qui sont en phase de réinsertion, soit un total de 34 hommes et femmes ». Explique la Sœur Marie Rosalie. « Le centre va à la recherche des malades abandonnés, nous allons à leur rencontre et souvent les familles nous les emmènent. Généralement, on les retrouve dans la rue, on les observe, on entre en contact avec les familles, on s’entend avec elles pour la prise en charge. Il arrive que les parents hésitent, puis après ils acceptent. Une fois cette étape passée on les envoie à l’hôpital pour les premiers soins. Pour las suite ils vivent ici », relève la sœur Marie Rosalie Ouédraogo.
A la question de savoir de quoi souffrent les pensionnaires, la sœur Marie Rosalie qui les connait tous explique : « ce sont des retards mentaux, il y a la Schizophrénie, les maladies psychiatriques, la démence, les personnes âgées abandonnées du fait des maladies mentales, mais aussi dans une moindre mesure la dépression ».
Les patients viennent de plusieurs horizons, notamment des paroisses et villages de Tenkodogo, mais aussi de Ouagadougou et plusieurs autres régions du pays. Anita Salembéré, 24 ans, pensionnaire souffrante de maladie mentale, est accueillie dans ladite maison, depuis bientôt une année. Originaire d’une province voisine, elle était une étudiante avant de connaitre une crise psychique qui l’a conduite à l’errance. La sœur Marie Rosalie Ouédraogo se souvient. « C’est l’une de ses camarades étudiantes, devenue policière qui l’a emmenée ici, pour la prise en charge ». Depuis son arrivée, elle vit dans un appartement avec les autres filles; elles cuisinent ensemble et jouent entre elles. La sœur Marie Rosalie en poursuivant soutient que le centre : « a un contact régulier avec les parents. Ces derniers viennent nous rendre visite, ils visitent les patients, et souvent, ils contribuent volontairement, selon leurs moyens » à la prise en charge. Dieudonné Bondaogo quant à lui, 60 ans est l’un des plus anciens pensionnaires. Muni d’une houe, après avoir été dans un champ, il témoigne qu’il se « sent mieux ici, le centre m’a aidé. La manière dont j’ai la santé aujourd’hui, je souhaite aussi que ceux qui vont franchir ce centre aient la bonne santé ». Son histoire remonte il y a de plus 5 de ans. Aujourd’hui, il se souvent de qu’il était avant d’être victime de cette maladie mentale qui l’a conduit dans le centre pour la prise en charge. « J’étais maçon, entre temps, je ne pouvais pas monter sur le mur. Maintenant, mais je peux faire le travail de la terre », lâche Dieudonné en souriant.
Pendant les échanges avec Dieudonné, plusieurs dizaines de pensionnaires commencent à sortir de leur appartement. Souriants, ils avant vers nous pour nous serrer la main. Mieux, ils prennent le soin de se présenter chacun. Preuve que quelque chose de positif a été opéré sur eux.
Pour la sœur Marie Rosalie Ouédraogo, le combat de la prise en charge est parsemé d’embuches. « A long terme, il faut une prise en charge continue, surtout la réinsertion sociale de nos pensionnaires. Des familles refusent de les accueillir à nouveau ce qui fait qu’on a des difficultés à les réinsérer dans la société. A court terme, il nous manque des médicaments, des vivres ». A ces problèmes s’ajoute celui du manque de personnel qualifié pour les prises en charge et aussi de volontaires regrète la responsable du centre.
Ces difficultés, Mgr Prosper Kontiébo l’initiateur dudit centre les partage aussi : « les bâtiments nous manquent, surtout les logements, un hôpital, des médicaments, un réfectoire et une salle d’administration ». Monseigneur Prosper lance alors un appel à l’aide : « on a besoin d’appui des bonnes volontés ».
En attendant, pour se soulager des besoins du centre, les responsables du centre ont initié, des jardins potagers, de l’élevage de canards, de poulets, de dindons, des champs de maïs, mais le besoin reste énorme. « Le diocèse est jeune, on n’a pas encore de moyens, mais le besoin est là, on compte sur la Providence. Ceux qui nous aident, nous marquons leurs noms sur le mur », dit Mgr Prosper Kontiébo, en signe de reconnaissance.
Actuellement, en plus de la sœur accompagnante, c’est Béatrice Yamba Ouédraogo, qui s’est engagée comme volontaire, depuis 5 ans au service des malades par vocation. Pour elles, « c’est l’amour des malades, je me sens bien à leurs côtés ». Pour confirmer l’attachement qu’elle a pour cette catégorie de patients, « j’invite les gens à passer rendre visite aux malades pour apprendre et pouvoir les aider », laisse-t-elle entendre, toute souriante. Les résultats de la prise en charge de certains malades après un moment de séjour au centre sont satisfaisants pour Mgr Kontiébo et lui donnent le courage de poursuivre la mission au profit des malades, malgré les difficultés.
Centre Saint Joseph, toute une histoire
A l’origine, ce fut un appel et le prélat s’en souvient encore : « quand j’ai été nommé évêque, j’ai trouvé des gens qui trainaient et qui demandaient à manger à longueur de journée. Je me suis dit, qu’on ne pouvait pas laisser un frère en humanité qui trainait. Ce sont des malades qui n’ont pas voulu cet état. A cause de leur maladie, nous n’avons pas le droit de les ignorer, de les abandonner encore moins de les rejeter. Il faut que nous fassions quelque chose; ce n’est pas normal que nous n’assistions pas nos frères en difficultés, nous les bien portants, ce sont nos frères, les voir nus et passer comme si de rien il était, ce n’est pas normal ».
Le centre ouvert, il y a bientôt six ans, a rendu d’énormes services aux malades, à leurs familles et la communauté. Mais le besoin reste énorme. Pour l’évêque Prosper Kontiébo, « la contribution de chacun pour ne plus jamais laisser un frère en humanité errer est importante ».
Encadré : Qui est Monseigneur Prosper Kontiébo ?
Nommé évêque du diocèse de Tenkodogo par le Pape Benoît XVI en février, c’est le 02 juin 2012 qu’il a été installé dans ses fonction d’évêque du diocèse de Tenkodogo, il est né le 25 juin 1960 à Boassa (Ouagadougou) au Burkina Faso. Baptisé le 1er juillet 1960, c’est avec la congrégation des religieux Caméliens qu’il a senti sa vocation. Il intègre alors le juvénat Saint Camille en 1976. Le 8 septembre 1984, il y fait sa première profession et 4 ans plus tard, soit le 8 Septembre 1984, il fait sa profession perpétuelle. Il a été ordonné diacre le 25 juin 1989, puis prêtre le 7 juillet 1990. Dans son parcours de prêtre, il a été formateur et économe au scolasticat camillien à Ouagadougou, Supérieur du scolasticat, Maître des Novices et des Profès, Curé de paroisse de la paroisse Saint Camille pendant plusieurs années, membre du collège des consulteurs de l’Archidiocèse de Ouagadougou, Vice Provincial des Religieux Camilliens de la Vice Province du Burkina Faso. Sans nul doute, sa vocation de médecins des corps doublée celui des âmes l’a certainement inspiré dans la création du centre Saint Joseph de Tenkodogo.
E.S.
Que Papa Joseph passe devant vous. Comme c’est son année, il va glorifier ses enfants.
Bon courage pour la suite.
Union de prière continue.
C’est une belle œuvre quand on reconstruit une vie humaine détruite par l’indifférence de l’homme. Que le Seigneur vous assiste en éveillant une véritable prise de conscience de la société dans la prise en charge de ces personnes qui n’ont jamais voulu de cet état. Que papa Joseph passe devant ce centre qui lui est dédié. Merci pour ce que vous faites. Union de prières
Bravo à son Excellence MGR KONTIEBO. C’est vraiment l’esprit de Saint Camille De Lellis. Puisse le Tout-Puissant l’assister et fructifier ce bel apostolat.
Très belle initiative monseigneur.. Que Dieu dans son amour infini continue de vous donner la force afin que vous puissiez d’avantage aider les autres comme vous le faites déjà !
Bon vent au Centre! Que le Seigneur continue de bénir et d’assister ce jeune Diocèse et ses Pasteurs dans leurs oeuvres pastorales!
NB:Merci à infosh24.info, de vérifier et de corriger l’année de la profession perpétuelle de Mgr Prosper: si c’est le 8 septembre 1984 qui fut sa première profession, quatre ans plus tard nous sommes au 8 septembre 1988 et 1984 encore! Merci, juste une petite observation! Très bel article!!