Ceci est une réflexion du journaliste Tiécoura Fofana sur la crise sécuritaire au Burkina.
La crise sécuritaire qui mine notre pays depuis sept ans fait très logiquement l’objet d’analyses, d’invectives, de pressions diverses passionnées, tenues par des acteurs aux visées tout aussi diverses.
Si l’objectif proclamé de tous est le vœu ardent d’un retour à la stabilité sécuritaire, ce qui est normal, il n’en demeure pas moins, que certaines surenchères et surinterprétations décontextualisantes, cachent mal des desseins inavouables.
Dans le contexte présent, il convient de poser un regard lucide sur notre triste sort, pour en tirer des enseignements et des perspectives sérieuses pouvant nous éloigner des analyses étriquées, simplistes et indiscernées et souvent fantaisistes.
Sans aucune intention d’invective, il est juste de rappeler que la guerre terroriste a initialement élu ses quartiers au Mali et au Niger. Le Burkina Faso n’était ni dans la belligérance, ni dans la cobelligérance.
C’est par un pivotage a-stratégique sur lequel nous ne nous étalerons pas, que nous avons acheté notre centralité dans ce conflit qui est le théâtre de nos misères sonnantes courantes. Le bilan est lourd.
Une autre myopie stratégique nous a conduit à changer la socio démographie du conflit par le moyen de massacres à grande échelle de nos compatriotes peulhs désignés comme les complices des terroristes. Nos mauvais génies de service nous proposèrent cet argument en vide de sens : « les peulhs sont les complices des terroristes. Il faut les terroriser afin qu’ils cessent leur collaboration avec ces derniers ».
Des centaines d’innocents, âgés de 1 jour à 70 ans, furent sauvagement passés à trépas sous la sentence de cette ineptie simpliste. Dans l’exercice de la terreur, les terroristes devenaient des enfants de cœur à côté de ces escadrons semeurs de morts. Les tueries d’inspiration naziste de Bahn, et Yirgou en sont les tristement célèbres théâtres.
Ces désastres anti humains ont été décidés, pilotés et perpétrés hors chaîne de commandement militaire dont les pilotes n’apprennent pas ces pratiques dans leurs écoles de guerre.
Les architectes de ces drames circulent paisiblement sur la terre qu’ils ont souillée, manipulés qu’ils étaient par leur préscience bancale. Certains de nos frères ont ainsi été condamnés à choisir entre la terreur Djihadiste et l’extrême terreur de leurs confrères dont la monstruosité était inéligible.
Selon les spécialistes, 80% des terroristes sont des Burkinabé, donnant ainsi à constater la mutation dans la sociologie du conflit qui recrute désormais ses terroristes parmi nos frères des zones de belligérance. A cela il faut ajouter que le recul de l’Etat et son effacement par endroit a vu naître des appétits économiques à travers divers types de trafics.
La guerre devenait ainsi une opportunité. Son attractivité économique pour certains jeunes devenait une perche à saisir pour sortir de la pauvreté. C’est ainsi que de nouveaux petits riches sont apparus dans les zones de conflits qui sont progressivement imités par d’autres jeunes du voisinage. La progression métastasique de la guerre terroriste s’explique donc par le fait qu’elle devient un business model.
Quand la paix coûte plus cher que la guerre, cette dernière a de longs jours devant elle. Hélas et mille fois hélas, le grand remplacement de l’État par des bandes terroristes qui régentent la vie économique locale en levant l’impôt et toutes formes de taxes terroristes devient une sorte de normalité odieuse.
Sans aucun esprit alarmiste, il n’est point besoin d’être un expert pour comprendre que ce complexus sera difficile à détricoter.
En adoptant la dialectique combat/contact avec ces groupes, nos dirigeants actuels font juste car, face à une situation complexe il faut une réponse complexe. La paix ne s’obtient pas que par le coup de feu. Au passage, les théoriciens de l’anti négociation ont pour leur grande majorité rejoint le parti du silence élégant et réparateur.
Sans être des stratèges ou des techniciens de la guerre, nous pensons que la temporalité de la solution à ce monstre est difficilement mesurable en mois.
Si nous trouvons un vaccin contre ce mal anti national, il nous faudra plusieurs doses de rappel. La solution à cet épisode terroriste est à envisager dans le temps long.
Il nous faut donc investir l’école de la lucidité pour muscler notre détermination et notre résilience collectives dans un esprit de solidarité. Pour cela, chacun doit se percevoir et se comporter comme une micro solution à son échelle à travers un engagement responsable pour la restauration du tissu social. Dans cette dynamique, les narratifs bilanciels de très court terme et de petite vue sur les prestations de nos dirigeants sont contreproductifs.
Il n’y a aucune gloire à ajouter la terreur de nos pronostics et lamentations pessimistes à cette terreur atroce qui nous confronte. Le commencement de l’effort de guerre personnel est la convocation du courage et de la détermination.
Chacun dans sa localité doit s’engager dans la cohésion fraternelle pour que les perdus retrouvent le chemin de la maison commune.
Nos officiers militaires doivent continuer à travailler hardiment, en approfondissant notre avantage technologique, en dotant nos forces armées d’armes létales autonomes, en musclant notre mix interarmées combinant rigueur et souplesse structurelles, pour réduire drastiquement la mortalité de nos hommes. Le commandement de guerre doit inventer les asymétries tactiques et opérationnelles qui désarmeront l’ennemi.
Que chacun de nous contribue à faire de notre pays un grand village de lucidité, de courage et d’amour qui appellera la paix. Nous sommes dans le temps du sérieux. Soyons sérieux.