22 novembre 2024
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Exploitation minière au Burkina Faso : « Travaillons à augmenter la masse à partager, plutôt que de regarder les gains individuels que chacun peut avoir » Adama Soro, président de la Chambre des mines

Depuis juillet 2021, il a été porté à la tête de la chambre des mines du Burkina Faso. Connu dans le secteur minier comme le premier responsable de la société Endeavour Mining, Adama Soro, à travers cet entretien nous parle des difficultés du secteur minier et des grandes actions qu’il aura à mener à la tête de la faitière des mines du Burkina durant son mandat.    

Infoh24 :  Quels sont les objectifs qui ont concouru à la création de la chambre des mines au Burkina Faso ?

 Adama Soro : Je voudrais avant tout propos remercier InfoH24 de l’opportunité qu’il nous donne pour parler de notre faîtière, la structure responsable de toutes les sociétés minières au Burkina Faso. Je pense que nos pères devanciers qui ont eu en son temps la très bonne idée de créer le Groupement Professionnel des Miniers du Burkina Faso (GPMB), qui est la mère de la chambre actuelle, qui a été mise en place depuis juillet 2011, avaient la vision de doter les entreprises minières, notamment le secteur minier d’un instrument de plaidoyer. Une structure chargée d’intervenir auprès des autorités pour prendre en compte la question du développement du secteur minier d’une part et ensuite d’avoir une meilleure organisation et promotion du secteur d’autre part. A mon avis, voici ce qui a prévalu à la création du GPMB qui deviendra la Chambre des Mines du Burkina – CMB sous sa forme actuelle. 

Quel est véritablement le rôle de la chambre des mines ?

Le premier rôle de la chambre, c’est la promotion du secteur minier, si je devais me résumer en une phrase. Mais dans la promotion de ce secteur minier burkinabè, nous devons intégrer une des dimensions corporatistes qui est de défendre les intérêts de ses membres. D’abord par définition, la Chambre des Mines est là parce qu’il y a des mines. Ensuite, la Chambre des Mines est là aussi pour que les mines soient des acteurs du développement socio-économique du pays. Et enfin, la Chambre des Mines est présente pour être un acteur privilégié, un interlocuteur privilégié du gouvernement dans la mise en place des politiques de développement du secteur minier.

La Chambre des mines est sensée être une interface entre le secteur privé minier et le gouvernement burkinabè, quels sont les points de négociation, les accords que vous avez avec ce gouvernement dans le traitement de la question minière ?

Accord à mon avis, Accord est un grand mot, car il n’y a pas à ma connaissance un document écrit ou signé entre la Chambre des Mines et le gouvernement pour la promotion du secteur minier. Par contre, vous avez des acteurs, à savoir les sociétés minières, d’une part d’un secteur qui évoluent dans un environnement qui est régulé par un autre acteur qui est l’Etat. Donc en terme d’accord c’est plutôt des cadres de concertations, de collaboration et cela se fait essentiellement avec le ministère de tutelle qui est le ministère de l’Energie, des mines et des carrières. Ainsi, ce sont des cadres de concertation, qui sont des cadres permanents avec le ministère de tutelle comme je l’ai dit auparavant et avec parfois le gouvernement par des discussions que nous avons régulièrement sur la base des notes de conjoncture que nous envoyons au Premier Ministère et souvent au niveau du Président du Faso.

Le dernier conseil des ministres du 22 septembre 2021 oblige les sociétés minières à désormais travailler avec les entreprises locales, quel commentaire vous faites ?

Il faudra d’abord que je précise que certes la décision vient du gouvernement, mais c’est à travers un travail de concertation avec tous les autres acteurs(la Chambre des Mines, l’Association des Fournisseurs Minier de Biens et Services Miniers du Burkina (ABSM), la Chambre de Commerce et d’Industrie, etc.). Cette décision est l’aboutissement de la volonté de promotion du contenu local. Sur cette volonté, tous les acteurs sont unanimes ; à commencer par la Chambre de Mines qui reconnait qu’il est important de faire la promotion du contenu local. Et d’ailleurs, la chambre n’a pas attendu un décret pour mener des actions dans le sens de la promotion des achats locaux pour cadrer plus avec l’esprit du décret. Dans le principe, nous n’avons rien contre. Nous avons été consultés par l’Etat, nous avons discuté et nous continuerons à discuter pour la mise en œuvre pour les prochaines étapes, car le texte est pris, il faut passer à son opérationnalisation et pour cela, nous sommes disposés à échanger avec le gouvernement et l’ensemble des parties prenantes pour l’exécution efficace du décret.

Vous êtes à la tête de la chambre des mines pour deux ans, alors dites-nous quelles seront les grandes actions ? 

Je voudrais avant de répondre à cette question exprimer mes remerciements et ma reconnaissance à mes pairs pour la confiance placée enmoi et au nouveau bureauélu le 25 juin dernier et dont la passation s’est déroulée le 8 juillet 2021. Cela fait 3 mois que nous travaillons d’arrache-pied sur les différents dossiers. Lors de notre élection, nous avons clairement dit les 3 axes majeurs de notre mandat. Ainsi le premier c’est d’assurer la continuité du travail abattu par nos devanciers, c’est de continuer la remobilisation de nos membres ; c’est-à-dire redynamiser la Chambre des Mines. C’est cela le premier axe, c’est interne à nous. Il faut que nos membres continuent à s’investir davantage à travers les commissions techniques, la direction exécutive et surtout à travers l’animation du conseil d’administration dans la défense des intérêts de nos membres.

Le deuxième axe, consiste à repositionner la chambre comme un acteur majeur du développement socio-économique. La chambre n’est pas là que pour une vision corporatiste, pour défendre uniquement les intérêts des entreprises minières, mais elle est aussi présente pour participer, contribuer au développement socio-économique de notre pays.

Le troisième axe de notre mandat, c’est de renforcer la collaboration avec l’Etat, le gouvernement et tous les partenaires.

Quel est l’intérêt pour la chambre des mines d’être connue des citoyens ?

Il est important dans le fonctionnement de la chambre qu’elle soit connue des citoyens et c’est dans ce sens que nous avons parlé de redynamiser, repositionner la chambre comme un acteur majeur du développement socio-économique. Il y a beaucoup d’incompréhensions qui viennent du fait que le grand public ne nous connait pas suffisamment. Lorsqu’on parle, on dit qu’on parle trop de nous-mêmes et lorsqu’on ne parle pas, on dit qu’on parle peu. C’est pour cela qu’au cours de ce mandat, nous allons essayer de bien communiquer en participant à la sensibilisation de l’opinion publique sur des questions telles que c’est quoi une mine ? Comment une mine est financée ? Comment elle fonctionne ? Quelles sont les réalités, les contraintes d’une mine, etc. ? Ce sont autant de questions que nous allons essayer d’aborder sur une base de compréhension mutuelle, ce sera un « open book » dans toute sa transparence. Nous allons dire exactement ce que nous faisons et qui est vérifiable.

Je ne veux pas qu’on voit le secteur minier comme le verre à moitié vide, mais plutôt à moitié plein. Oui, il y a des attentes énormes, mais déjà quelque chose est fait et nous allons dire ce qui est fait. Nous sommes ouverts aux critiques et observations. Donc, je dirai que la communication sera le cheval de bataille de mon mandat qui touche l’axe 1 et 2, cela va contribuer à sensibiliser davantage les citoyens sur l’intérêt de l’existence de la chambre et nous connaitre mieux et dire ce que nous faisons et ressortir nos réalités.

Quel commentaire vous faites sur les rapports produits par le REN-LAC sur le secteur minier ?

D’abord, je voudrais relever un aspect positif au Burkina Faso, contrairement à certains pays, c’est le dynamisme de sa société civile, dont le REN-LAC fait partie de ces instruments et il faut se féliciter. Nous sommes des acteurs économiques et le REN-LAC est dans tout son droit de faire des observations, de formuler des critiques sur notre action. J’exhorte, cependant l’ensemble des personnes qui interviennent sur ces rapports d’apprendre à nous connaitre, cela leur permettra d’être à l’aise pour le travail de veille, de critique qui est nécessaire à nous pour nous permettre d’avancer. Durant ce mandat, une méthode de travail nous permettra de renforcer notre collaboration avec le REN-LAC et de toucher du doigt beaucoup d’éléments que je comprends qui souvent interviennent à cause de la méconnaissance du milieu ou du mode de fonctionnement qui entrainent des aprioris négatifs.  Nous n’avons rien contre le travail fait par le REN-LAC, au contraire, nous les félicitons. Nous allons travailler ensemble sous ce mandat pour avoir un « open book » pour leur permettre de voir ce que nous faisons en toute transparence.

Sous votre mandat, vous nous rassurez qu’il n’y aura pas la loi de l’omerta concernant la question minière ?

Je ne pense pas qu’avant, il y avait la loi de l’omerta. C’était plutôt l’opportunité de communiquer ou pas. Le secteur minier est devenu comme l’hygiène, on lui prête tout ce qui est mauvais. Quoi qu’il fasse, c’est toujours mauvais, on nous dépeint comme de grands capitalistes qui viennent piller les ressources et qui s’en vont. Il y a cette mauvaise image du secteur, qu’il faudra travailler à changer au niveau des citoyens. Sinon, je ne pense pas que mes prédécesseurs cultivaient la loi de l’omerta.  On va essayer, partant de leurs expériences de renforcer la communication dans la bonne compréhension mutuelle des intérêts de toutes les parties.

Quelles sont les relations que la chambre du Burkina entretient avec celles des autres pays ?

Dans la dynamique de notre nouvelle vision, nous avons décidé de créer un département dédié au partenariat. La chambre est un acteur majeur du tissu économique national et sera également un acteur sous-régional, car on se rend compte que le Burkina Faso fait partie du top 5 des pays producteurs d’or en Afrique. Ainsi en collaboration avec la fédération des chambres des mines de l’Afrique de l’Ouest et des initiatives au niveau de l’UEMOA, nous comptons jouer pleinement notre rôle. Nous avons bientôt deux décennies du secteur minier post Poura qu’on doit pouvoir partager. D’autres pays de la sous-régionale nous contacte, on va ouvrir les discussions avec eux, renforcer et porter davantage le message des miniers à l’endroit de nos populations.

Quelles sont les difficultés auxquelles fait face le secteur minier ?

Aujourd’hui la première difficulté et ce n’est pas que dans le secteur minier, c’est tout le pays, c’est la sécurité. Je profite de l’opportunité que vous me donnez, pour féliciter et remercier nos braves FDS avec l’accompagnement du gouvernement qui font un travail colossal pour la sécurisation des populations. Je m’incline aussi sur la mémoire des vaillants soldats tombés au front et un prompt rétablissement aux blessés. La question de la sécurité est une question majeure et je pense que même au plus haut sommet de notre pays on perçoit le problème. Avec l’attaque du convoi de Bongou en novembre 2019 et la mort du géologue canadien, aujourd’hui on a des difficultés à faire de l’exploration dans certains endroits comme on le faisait avant. Ainsi qui dit ralentissement de l’exploration, dit difficultés à remplacer les gisements dans 10,15 et 20 ans. Dans un second temps, on pâtit souvent de la mauvaise image ou perception que la population peut avoir de nous et qu’il faut travailler à changer.

Le fait de passer beaucoup de temps à expliquer, à justifier, parce qu’on n’est mal compris est un défi qu’on doit pourvoir relever en travaillant ensemble pour parvenir à ce que l’acceptabilité des miniers soit effective. Enfin, le dernier point qui n’est pas un problème majeur, mais qui est un handicap, c’est le suivi des dossiers. On a des difficultés à être compris au regard du rythme auquel on avance. Du fait que les sociétés sont arrimées aux bourses, on peut rater des opportunités d’affaire, lorsqu’on est confronté à une lenteur administrative. Mais fort heureusement avec le gouvernement et les ministères en place on commence à travailler à faciliter ces goulots d’étranglement. Le ministère de l’Energie, des mines et des carrières s’est engagé à porter nos préoccupations auprès des autres ministères pour booster et fluidifier l’action administrative dans la gestion et le suivi au niveau du secteur minier.

Quelle image voudriez-vous qu’on retienne de vous à la fin de votre mandat ?

 Ce qui m’anime, c’est qu’au soir de la fin de mon mandat de laisser de bonnes traces. Ce qui me motive tous les jours que Dieu fait, c’est de savoir est ce que j’ai bien fait ce que je devais faire dans la position dans laquelle je me trouve ? Quand finira le mandat, j’aimerais que mes pairs disent que grâce à nos efforts conjugués sous mon mandat, nous avons pu hisser le secteur minier à un niveau supérieur.

Quel message vous souhaiter transmettre aux populations et à vos pairs du secteur minier ?

Je voudrais dans un premier temps remercier INFOH24 pour l’opportunité qu’il nous donne pour nous présenter aux populations. Ensuite je voudrais solliciter un accompagnement, car pour moi, un secteur qui en moins d’une décennie qui était à moins de 1% du PIB burkinabè, avec à peine 5,6 T d’or et dix ans plus tard est à 62 T d’or avec plus de 13 mines en opérations. On a réussi à placer notre pays dans le top 5 des pays miniers en Afrique et surtout une contribution de 1/3 du budget national et 2/3 des entrées de devises, je pense qu’un tel secteur ne doit pas être négligé. C’est souvent un peu sévère, lorsqu’on n’entend certains propos sur le secteur minier. Pour moi, le secteur minier est une belle opportunité de développement et des pays l’ont démontré. Des pays comme la Norvège, le Canada, l’Australie ont atteint un niveau de développement en se basant sur le secteur extractif. Notre pays, le Burkina Faso peut le faire.

Mais cela, doit se faire dans une compréhension mutuelle. On ne doit pas se battre sur les parts à partager, on peut travailler à augmenter la masse à partager comme au PUM’B. Aujourd’hui pour moi, ce qu’il faut regarder, ce n’est pas le partage sur les parts de chacun qui est important. Là où nous devons mettre l’essentiel de nos efforts, c’est comment nous devons faire pour que l’économie minière irrigue suffisamment l’économie nationale, pour que l’investisseur qui met de l’argent est toujours envie de le faire, car nous aurions ainsi créé le cadre qui le stimule et qui l’attire davantage. Mais en même temps, que les populations et les acteurs économiques locaux, s’y retrouvent et in fine que l’Etat perçoive toute la manne qui lui revient de cette activité. Travaillons à augmenter la masse à partager, plutôt que de regarder les gains individuels que chacun peut avoir. Si nous agissons dans ce sens, je pense que d’ici quelques années, nous ferons un pas en avant dans le développement comme certains pays précités l’ont fait. On peut y arriver, donnons-nous la main pour éviter les bagarres, car beaucoup de pays sont en compétition et les investisseurs iront ailleurs, alors que nous avons pris un bon départ depuis le code minier de 2003 et nous devons maintenir ce cap.

 Statistiquement notre pays de 2009 à nos jours, a une moyenne de 1,2 mines/an et c’est presqu’un record Guinness. Cela veut dire que malgré toutes les difficultés de ce secteur, notre pays continue d’attirer en dépit problèmes de sécurité et de la pandémie.  A ce sujet, je voudrais féliciter toutes les sociétés minières, surtout les employés des mines qui ont maintenu et contribué à dépasser la prévision de production de 60 à 62 T d’or en 2020 malgré le Covid. Car au moment où toutes les entreprises et les usines étaient à l’arrêt et que notre pays en avait le plus besoin. Où pensez- vous que nos douanes ont perçu de l’argent, mais au niveau du secteur minier. Parce que nous avions des plans de continuité d’affaire qui ont permis de tenir 4, 6, 8, mois.  Au moment tout était à l’arrêt l’or a pris de la valeur, on a maintenu la production et on a permis à notre pays de bénéficier de notre résilience. Quand on regarde tous ces éléments, on ne peut que se donner la main, pour que ce secteur aille de l’avant, mais bien entendu dans l’intérêt de toutes les parties. On ne peut développer le secteur minier pour les miniers contre le reste de la population et inversement. Il faut développer le secteur pour tous, pour que l’or brille pour tout le monde.                          

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