InfoH24 a tendu son micro au journaliste et écrivain burkinabè, Hamidou Zonga, le 10 mars 2021. Il analyse les contours des droits des femmes, circonscrits dans la commémoration du 8 mars, l’actualité nationale marquée par la crise humanitaire, l’engagement des femmes journalistes pour la cause féminine, mais aussi l’organisation et la lutte des journalistes burkinabè pour l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie.
InoH24: Quel regard portez-vous sur l’organisation du 8 mars 2021 ?
Hamidou Zonga : Je voudrais avant tout propos vous remercier pour cette occasion d’échanges. Dire merci à Dieu qui nous a permis ce beau moment d’interview dans la santé.
Il faut dire que le Burkina Faso, à l’instar des autres pays du monde a bel et bien célébré la journée internationale de la femme, le 8 mars dernier. Si les femmes burkinabè étaient habituées à des réjouissances festives comme le ‘’ djandjo ‘’ et tout le tralala qui l’entoure, les autorités du pays ont pris des mesures qui ont conduit à l’interdiction de grandes cérémonies, réunissant moins de personnes afin de lutter efficacement contre la propagation du Covid-19. Chose qui est d’ailleurs à saluer non seulement au regard du contexte sanitaire, mais également de la situation sécuritaire marquée par les attaques terroristes. Sinon pour l’organisation du 8-Mars, c’est une tradition qui est respectée par le pays.
Vous avez parcouru les zones impactées par l’insécurité. Avez-vous l’impression que l’organisation du 8 mars 2021 a pris en compte les aspirations des femmes de ces zones ?
Effectivement j’ai fait presque le tour des différentes zones frappées par le terrorisme ; notamment les régions du Sahel, du Centre-nord, de l’Est, de la Boucle du Mohoun, du Nord, et bien d’autres localités du pays. Cela dans le cadre de mon métier de journaliste d’une part, et d’autre part pour un projet personnel que je nourrissais depuis le début des attaques terroristes au Burkina Faso. Ce qui m’a permis aujourd’hui de réaliser ce gigantesque projet qui était l’écriture d’un livre vivant, qui retrace les tristes réalités de nos compatriotes qui vivent un véritable enfer sur leur propre territoire.
Pour ce qui est de la prise en compte des aspirations des femmes des zones d’insécurité, je dirais sans langue de bois que le thème national de la célébration du 8-Mars au Burkina Faso exclut catégoriquement les femmes vivant dans des zones impactées par l’insécurité. Pourquoi ? Voyons ensemble le thème : « Inclusion financière par le numérique pour le développement économique de la femme : défis et perspectives ».
Personnellement, en plus de l’analphabétisme de la majorité des femmes burkinabè qui pour la plupart vivent en milieu rural, et l’incertitude totale dans laquelle sont plongées nos mères dans les différents sites d’accueil des personnes déplacées internes, je ne vois vraiment pas l’enjeu majeur de la prise en compte de leurs aspirations. Parce que les femmes dans ces zones ont besoin de vivres pour se nourrir, de médicaments pour bien se soigner, de l’eau potable pour mieux vivres. Elles ont besoin de formations sur les activités génératrices de revenus pour mieux s’occuper de leurs enfants et de leurs époux qui sont devenus ‘’impuissants et improductifs’’ du fait du terrorisme.
Je ne voudrais pas dire ici que l’Etat ne fait rien pour ces femmes. L’Etat fait des efforts considérables. Mais cela ne suffit pas. Il faudrait toujours trouver les moyens pour venir en aide aux femmes des zones d’insécurité qui malgré la situation très difficile, font montre d’une résilience extraordinaire. J’ai été sur les sites des personnes déplacées internes. Donc je sais de quoi je parle.
Je puis comprendre que le thème a été choisi selon le contexte du Covid-19. Mais pour moi, il reste toujours un thème qui concerne uniquement les femmes qui savent lire et écrire, donc les femmes des grandes villes. Et non à toutes les femmes du Burkina Faso. Ce qui entraine naturellement une exclusion.
Au regard de votre expérience dans les zones urbaines et rurales, en matière d’émancipation sont-elles pareilles en 2021 ?
Vous savez, la question de l’émancipation de la femme burkinabè qu’elle soit en milieu rural ou urbain est disproportionnelle à la réalité que nous vivons. Nous sommes dans une société qui est toujours conservatrice des valeurs coutumières. Ne nous voilons pas la face. L’émancipation tant prônée est un simple mot dans la forme des discours, mais vide dans le contenu. La femme urbaine, elle, du fait de sa chance d’être scolarisée a au moins l’opportunité de dire certaines choses dont elle juge utiles pour la femme en comparaison au monde occidental. Ce qui n’est pas le cas pour la pauvre ménagère restée dans l’autre bout du pays où elle croupit sous le joug de la tradition. Et même si elle aurait eu la même chance que la première, je resterais dubitatif sur sa capacité de libération au regard du milieu dans lequel, elle est vie.
En un mot, je dirais que jusqu’en 2021 la question de l’émancipation de la femme au Burkina Faso n’a pas été bien posée ; car on a comme l’impression que la femme ne sait vraiment pas ce qu’elle réclame dans sa lutte. Une victoire ne s’octroie pas. Elle s’arrache au front. Mais comment ? Les femmes doivent bien réfléchir sur la question.
L’organisation du 8 mars 2021 a encore remis sur la table, les préoccupations féministes à géométrie variable . En votre qualité d’homme de Lettres et de journaliste, comment contextualisez-vous le féminisme dans la morale burkinabè ?
J’imaginais déjà la question lorsque je parlais de l’émancipation de la femme. Avant de parler du féminisme, je voudrais tout d’abord signifier une chose très importante. Je suis l’ami des femmes. J’aime bien les femmes, et je les adore profondément. Sur la question du féminisme, je vais être un peu long dans mon analyse. Vous savez, contrairement à certaines idées propagées, l’homme noir n’est pas plus violent que l’occidental. Les hommes blancs sont les plus violents et misogynes. Ce que nous voyons dans les films novélas ne reflète pas la réalité des hommes blancs envers leurs femmes. Les européennes souffrent plus que les africaines. Une étude récente a bien montré le taux de violence des hommes sur leurs femmes en France pendant le confinement. Ce qui n’a pas été le cas en Afrique de façon général. Comprenons que l’africain est très émotif envers la femme, car elle est au centre de la société. C’est elle qui donne la vie, assure l’éducation des enfants, s’occupe de la famille, du bien-être de tous. C’est la femme qui est chargée de l’équilibre de la société. Et cela se passe bien ici en Afrique dans nos coutumes. Notre société africaine aime et valorise la femme. Sa valeur est célébrée et louée à côté d’un homme dans un foyer où elle joue convenablement son rôle d’épouse et de mère dans le strict respect de son rôle.
Je ne suis pas un ennemi des femmes, mais je ne partage pas l’esprit de féminisme mal prôné en Afrique. La femme n’est jamais et ne sera jamais l’égal de l’homme. C’est la loi de la nature et de l’univers. Chaque société a ses valeurs. Et chacun a une position et un rôle à jouer pour l’équilibre de la vie. Aucune femme n’est heureuse étant célibataire parce que libre comme le prône les féministes d’un soir de carrefour. Accepter cela, c’est renier son origine.
Occuper un même poste qu’un homme ou exercer la même fonction ne donne aucun droit d’égalité vis-à-vis des règles de notre société et de nos valeurs africaines. Pour les avantages du métier, il n’y a aucun débat. Il y a la loi qui est bien claire là-dessus, et cela n’est point discutable. Mais vouloir changer la nature de la vie est une aberration humaine. Comment vouloir fuir la réalité en face ? Le féminisme est une philosophie de vie qui est vue comme un appel à concurrencer les hommes. Mais comment ?
J’entends souvent dire : Moi si l’homme peut prendre deux femmes, c’est que la femme aussi peut prendre deux hommes. Si mon mari me trompe, moi aussi je vais le tromper. Il n’y a pas de chef de famille selon moi. Parce que nous sommes tous des adultes dans une maison. Je suis libre de faire tout ce que je veux sans dire à mon mari, etc. Franchement, je suis contre l’infidélité et les hommes qui maltraite les femmes. Car comme je le disais, la femme est au commencement et à la fin de tout. Nous devons plutôt travailler à une prise de conscience des hommes sur comment traiter la femme.
Les féministes africaines confondent tout. Chaque société a ses réalités et ses valeurs. Pendant que le chinois se moque des valeurs de l’européen, les arabes se foutent des valeurs des américains, l’africain est le seul individu perdu et erre dans l’univers sans aucune destination réelle. L’Africain est le seul qui ne se reconnait qu’à travers la culture des autres. Des mèches humaines, faux cils, faux ongles, etc. tout ça pour être comme l’européenne ou l’américaine, donc dite civilisée.
Mes propos vont choquer, mais je les assume pleinement. En vérité, le concept de féminisme en Afrique de façon générale est beaucoup adopté par des femmes frustrées sentimentalement et émotionnellement. Elles sont victimes de leurs propres vulgarités dans leurs couples ou dans des relations qui n’ont pas été de leur goût. Je précise bien que la soumission d’une femme n’a rien à avoir avec l’esclavage. C’est une valeur culturelle africaine, et même les saintes écritures évoquent toujours la soumission de la femme, et à l’homme le respect de son épouse. Ce que je dis va sans doute frustrer, cependant, beaucoup de femmes dites féministes sont justes victimes des films novélas propagés par les médias occidentaux qui les colonisent indirectement sans qu’elles n’en prennent conscience.
Tel que je connais la société africaine, il est clair et net qu’aucun africain digne et intègre de ce nom n’épousera jamais dans sa maison une femme insoumise et impolie. Désolé du terme.
Pour terminer sur cette question, je voudrais que le monde entier sache que je suis l’ami des femmes, car j’aime la femme, je la respecte. J’aime bien la voir heureuse et épanouie dans son boulot et dans son foyer tout en reconnaissant sa place dans la société. Raison pour laquelle j’ai écrit un livre en hommage aux femmes. Ce livre participe au concours Voix d’Afriques sur Rfi en partenariat avec les éditions JC-Lattès dont les résultats sont attendus au mois de mai. I really love you all women !
L’émancipation sociale de la femme burkinabè, inclut la femme journaliste. Comment percevez-vous la place que les médias accordent aux femmes au Burkina Faso ?
Je salue vraiment le courage et la bravoure des femmes journalistes burkinabè ; car ce n’est vraiment pas facile d’être femme au foyer ou célibataire et pouvoir exercer ce métier qui est très exigeant et demande assez de temps.
Dans les médias burkinabè, des femmes occupent quand même certaines positions quand bien même cela n’est pas au-delà de leurs attentes. Je connais assez de femmes journalistes qui occupent des postes de responsabilités dans des organes. Je vois assez de femmes qui sont sur des plateaux pour le journal télévisé, dans des radios où elles présentent aussi le journal parlé. Au vu de tout cela, j’estime qu’elles commencent à avoir une position crescendo. Cependant, elles ne doivent pas se limiter à là. Les jeunes filles journalistes doivent se fixer de grands objectifs afin de faire bouger les lignes. Et cela ne peut se faire sans un véritable engagement.
On parle de plus en plus de nomadisme du journaliste burkinabè d’un organe privé à un autre. Comment résoudre cette problématique ? en 2021, quel doit être le combat du journaliste burkinabè ?
C’est une triste réalité au Faso, le nomadisme du journaliste. Mais je ne peux pas incriminer ces derniers ; car lorsqu’on travaille, c’est pour aller de l’avant, et non pas pour être le mouton de sacrifice de qui que ce soit. Malheureusement, c’est une triste réalité dans les médias privés. Des journalistes y bossent pendant des années sans connaitre réellement leur statut dans la boîte. Nombreux sont ceux qui vendent leur force de travail sans aucune reconnaissance ni mérite de la part de leurs employeurs qui usent aussi de tous les stratagèmes pour les maintenir dans la dépendance et dans la précarité totale dans des conditions de travail extrêmement inhumaines.
La solution à ce problème ne viendra nulle part ailleurs que des journalistes eux-mêmes. Il va falloir s’unir dans la sincérité soit en association ou en syndicat pour défendre les intérêts matériels et moraux des travailleurs. Nonobstant, le gros problème aussi qui reste toujours dans l’ombre, est que tous les journalistes n’ont pas les mêmes statuts dans leurs organes de presse. Ce qui ne facilite pas la lutte. Sinon, ce sera toujours des murmures à voix basse.
Le combat du journaliste burkinabè, je dirais au 21e siècle doit être une prise de conscience réelle de sa personne et de ses compétences. Pourquoi suis-je journaliste ? Qu’est-ce que je suis venu chercher dans ce métier ? Est-ce que j’aime vraiment ce que je fais ? Suis-je épanouie dans mon travail ? Suis-je fier de mon boulot ? Où est-ce que je dois être dans cinq, sept, dix dans ma carrière ?
Ce sont autant d’interrogations qui, à mon humble avis doivent habiter chaque journaliste ; surtout les plus jeunes qui sont dans le métier et tous ceux qui veulent devenir journalistes.
Si on n’est pas capable de trouver des réponses adéquates à ces petites questions, alors je résume que le journaliste burkinabè restera un petit prince pauvre de la cité sans palais.
Vous êtes actif sur les réseaux sociaux, à travers des tribunes sur des sujets d’actualités ; cette présence ne brise-t-elle pas le mythe du journaliste tenu à son organe de presse ?
Vous avez effectivement raison. Je suis beaucoup présent sur les réseaux sociaux. Et cela me permet d’être encore plus proche du monde. Permettez-moi de souligner que j’interviens sur les réseaux sociaux à double titres : Journaliste-écrivain.
Le journaliste-écrivain que je suis, les réseaux sociaux constituent pour moi une belle opportunité pour partager mes idées, mes analyses sur les sujets d’actualité, les faits de sociétés, le monde de la culture burkinabè avec toute la communauté qui me suit depuis des années.
Je pense que le journaliste doit apprendre à s’exprimer hors de son cadre habituel de travail qui est son organe de presse. Mais pas n’importe comment ! Notre monde d’aujourd’hui est très exigent, et tout file à la seconde. Le journaliste peut garder le mythe qui plane autour de son organe. Ce qui fait d’ailleurs la crédibilité des informations qu’il délivre au quotidien. Parce que l’homme de média suit tout un schéma avant la publication de ses informations. Ce qui n’est pas le cas pour l’utilisateur lambda des réseaux sociaux.
A ce jour, presque tous les organes de presse ont des ouvertures sur les réseaux sociaux afin de maintenir leur public. Cependant, le mythe du journaliste restera inébranlable à partir du moment où celui-ci sait vraiment faire le distinguo entre média traditionnel ou classique et réseaux sociaux.
Personnellement, j’interviens sur les réseaux sociaux en qualité de journaliste-écrivain pour mieux élargir et maintenir mon public prêt de moi. C’est cela aussi le défi du siècle. Chacun de nous doit nécessairement s’y adapter.
Votre dernière adresse
Je vous dis merci pour la considération portée en ma modeste personne. Merci à tous les confrères du site. Je profite informer l’ensemble des lecteurs que mon livre intitulé Foubé ou la croisade des femmes sort officiellement au mois d’avril si tout va bien. C’est un livre en hommage aux victimes du terrorisme au Burkina Faso, et de la violence des hommes dans le monde.
Que Dieu vous bénisse et protège le Faso !