A l’occasion du 8-mars 2021, qui marque la journée internationale de la femme, InfoH24 a tendu le micro à la secrétaire chargée du genre au Collectif contre l’impunité et la Stigmatisation des communautés ( CISC), Apsa Diallo. Elle livre sa vision sur la commémoration du 8-mars, ses projets concernant les activités humanitaires.
InfoH24 : Pouvez-vous vous présenter aux web lecteurs ?
Apsa Diallo : Je suis communicatrice et gérante de l’agence ADI. Je suis par ailleurs secrétaire chargée du genre au sein du CISC (Collectif contre l’impunité et la Stigmatisation des communautés) et enfin présidente de l’association Femmes en Marche et mère de 2 enfants.
Parlez-nous de vos projets humanitaires et votre association ?
Mon engagement dans le milieu associatif remonte à ma période estudiantine, sur le campus nous avions une association dénommée Franco-Culture pour promouvoir la langue et la culture francophone. Après j’ai intégré des organisations militantes telles que le CISC (Collectif contre l’impunité et la Stigmatisation des communautés) dans le but d’agir véritablement en essayant d’orienter les actes et les actions vers la justice, l’équité et le respect du genre humain.
Depuis quelques années, le Burkina Faso est secoué par une série de crises sociales, humanitaires et sécuritaires. De grands défis qui nécessitent l’engagement constant et sincère de chaque citoyen burkinabè.
Partagez-nous vos défis ?
Le défi majeur auquel nous sommes tous confrontés est celui des attaques terroristes avec leurs corollaires de personnes déplacées internes. Une donne inconnue dans notre pays il y a à peine quelques années. Actuellement, nous dénombrons plus d’1 million de déplacés internes, les femmes et les enfants occupant une part majoritaire dans ces chiffres.
Notre association Femmes en Marche a été créée en 2019 justement pour apporter une modeste contribution à l’édification d’une nation de paix et où le vivre ensemble ne devient pas un condensé de phrases toutes faites, mais vides de sens.
Notre objectif est d’identifier les besoins, les attentes des femmes qui ont dû fuir et tout abandonner pour recommencer à partir de rien. Le courage et l’abnégation dont certaines font preuve est juste magnifiques et rassurant dans le sens où nous décelons la capacité, la résilience dont la femme peut faire preuve et la femme Burkinabè davantage. Accompagner ces femmes dans l’exécution des AGR (activités génératrices de revenus) est pour nous une mission et un leitmotiv forts, parce que nous pensons comme le disait le capitaine Thomas Sankara à propos de « l’aide qui permet de sortir de l’aide ». En d’autre termes, de ne plus dépendre de l’aide pour vivre, sortir du cercle vicieux de l’assistanat nous permettra d’être digne et d’être fier du leg de notre visionnaire que fut ce grand homme.
Parlez-nous de vos besoins ?
Nos besoins primaires sont l’accompagnement dans la formation et la sensibilisation de la gente féminine. Cet accompagnement peut se manifester de diverses manières.
D’abord nous avons besoin de soutien en ressource humaine, c’est à dire, les formateurs dans les micros projets dans l’agriculture ou le commerce général.
De plus, un soutien financier qui permettrait de réaliser nos projets SMART. Ces projets ont l’avantage d’être de courte durée, peu coûteux mais avec un impact véritable sur le changement de condition de vie des femmes en général et des femmes déplacées en particulier.
Quelle est votre analyse du 8-mars 2021 ?
La journée du 8-mars abusivement appelée journée de la femme est au contraire une journée internationale des DROITS DE LA FEMME. Cet amalgame occasionne des dérives au sein de la société où l’on assiste à un ‘djandjoba ‘’une réjouissance populaire qui n’ a pas encore sa place.
On fête ce qui est un acquis. Or en matière des droits, nous sommes encore à des années lumières de l’émancipation des femmes dans notre contexte actuel.
Ça devrait être un jour où les femmes se réunissent pour réfléchir sur les avancées certes, mais surtout sur les perspectives. Quelle est la proportion des femmes qui peuvent bénéficier d’un prêt pour monter un projet ou leurs propre business ? Quelles sont les lois qu’on doit faire voter à l’Assemblée nationale pour garantie une vie décente à une femme veuve, quels sont les mécanismes à actionner pour éviter qu’une jeune fille soit déscolarisée et donnée en mariage? Voilà autant de préoccupations qui doivent nous interpeler.
Quelle est votre impression de l’état de promotion des droits de la femme burkinabè ? Que reste-t-il à faire pour un plein épanouissement de la femme burkinabè?
Je pense que depuis la révolution grâce à Sankara il y a eu une avancée dans l’acquisition des droits civiques de la femme Burkinabè. Il reste du chemin pour un réel épanouissement de la femme.
Au niveau politique, le quota de 30% de femmes dans les partis politiques doit être une réalité . De même qu’à l’assemblée nationale. La parité genre doit être confiée à un organe au sien du ministère de la femme afin de suivre l’effectivité des lois dans la vie quotidienne.
Au niveau économique, il faudra alléger davantage l’octroi au crédit pour les plus démunis. J’ai été à une caisse populaire, mais les conditions pour emprunter de l’argent sont quasi identiques à celles des banques. Dans ce cas de figure, comment soutenir une femme qui veut lancer son petit commerce et à qui vous demandez une garantie équivalent à son prêt…
Au niveau social, il serait intéressant de lancer une tribune qui donne la parole aux femmes, pas seulement à l’occasion du 8 mars, mais de façon constante et pérenne.
Quelles sont vos perspectives ?
L’association Femmes en Marche a lancé une série de projets visant à soutenir les femmes dans le domaine du maraîchage. Mieux former les femmes aux outils modernes pour une meilleure rentabilité de la production.
Dans la même dynamique, nous envisageons l’appui des femmes déplacées à travers les AGR.
Et enfin chez les jeunes filles nous projetons un apprentissage aux activités manuelles. Elles ont l’avantage de donner un métier et de s’insérer rapidement dans le tissu économique.
Votre adresse à la jeune fille et à la femme burkinabè
J’invite les femmes à se réapproprier le 8mars comme une journée de réflexion. Ailleurs dans le monde, les femmes se mobilisent pour réfléchir sur leurs droits civiques.
Nos aînées nous ont légué le droit au travail, le droit au vote. À notre tour que souhaitons nous laisser aux jeunes générations ? Ce qui devrait nous préoccuper. Les acquis certes, mais les perspectives sont encore meilleures pour véritablement impacter notre société. Aux jeunes filles, ne soyez pas de simples spectatrices de vos vies. Abandonnez les télénovelas qui ne font qu’endormir la conscience et l’intelligence des femmes. Soyez des actrices de votre développement.
On savoure une lutte qu’on a mené, donc participons ensemble à cet élan d’émancipation de la femme burkinabè citadine et rurale.