Le Burkina Faso a présenté son mémoire en défense dans le cadre de la requête aux fins d’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur les obligations des Etats en matière de changement climatique le mardi 3 décembre à la Haye. A la barre, l’ambassadeur Léolpold Tonguéma Bonkoungou et le professeur Mamadou Hébié ont fait valoir des arguments de droit et de faits pour convaincre les juges sur la nécessité d’indemnisation pour pollution subie.
C’est un ballet d’Etats membres qui ont défilé à la barre de la Cour international de la justice de la Haye pour plaider l’équité face aux défis climatiques du monde contemporain. Le lièvre a été levé par les Etats insulaires du pacifique avec en tête le Vanuatu qui, sous la menace de la montée des eaux du fait du changement climatique ont introduit une requête pour compensation auprès de l’ONU ce qui a abouti à l’adoption d’une résolution par l’Assemblée générale en mars 2023. La requête, à en juger par le nombre d’Etats ayant versé solidairement leur mémoire en défense auprès de la Cour est preuve, si besoin en est encore de la justesse de la cause. Brésil, Canada, Vanuatu, Philippines, Cameroun, Belize, la Bolovie et le Burkina Faso, etc, plusieurs nations se sont succédé devant les juges avec la même intension : mettre les Etats pollueurs en face de leurs responsabilités. La voix du Burkina portée dans un premier temps par l’Ambassadeur s’est élevé pour rappeler que ce combat pour un monde juste face aux conséquences des émission de gaz à effet de serre a toujours été celui du Burkina Faso. Le plaidoyer de l’Ambassadeur Bonkoungou a rappelé à la Cour qu’en 1980 déjà, le président Thomas Sankara face aux menaces du couvert végétal sous l’action de tiers, était monté au créneau pour mettre en cause la responsabilité de « ceux qui, loin de chez eux, provoquent de façon directe et indirecte les perturbations climatiques et écologiques ». En 1986, à la conférence de Paris sur la Forêt et l’eau, l’Ambassadeur fait constater que Sankara a renchéri dans sa démarche en proposant la solution suivante : « qu’au moins un pour cent des sommes colossales sacrifiées dans la recherche de la cohabitation avec les astres, servent à financier de façon compensatoire, des projets de lutte pour sauver l’arbre et la vie ». Et l’Ambassadeur de regretter que les alertes et les solutions proposées par le Burkina Faso soient passées par perte et profit. Pourtant a-t-il soutenu, les burkinabè souffrent des affres du changement climatique eux qui sont si loin d’en être responsables. En matière de production de gaz à effet de serre, la part du Burkina Faso frôle à peine la barre de 0,12%. Cependant, s’insurge l’Ambassadeur « les déterminants-clé de son développement, à savoir les ressources en eau, l’agriculture, les ressources halieutiques, la santé, l’énergie, les infrastructures et l’habitat sont tous gravement affectés par les effets néfastes des émissions de gaz à effet de serre et les changements climatiques ». Le Burkina Faso ne pouvait pas ne pas monter en première d’un combat qui le touche au plus degré. En effet, le pays est le 29e Etat au monde le plus vulnérable aux changements climatiques et le 158e Etat au monde le mieux préparé pour y faire face. Sur la base de ce constat, exiger le versement d’une indemnité compensatoire, plus qu’un acte qui sollicite la noblesse ou l’aumône aux pollueurs est un acte de droit.
Et le professeur en droit international, Mamadou Hébié, très au fait des arcanes de la Cour de la Haye de prendre le relais prétoire pour démontrer, le droit à l’appui, que la démarche du Burkina Faso n’est pas adossée à un vide juridique. En effet, certains Etats allèguent que la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique, le protocole de Kyoto et l’accord de Paris devaient rester les seuls éléments de droit applicables face aux conséquences des changements climatiques. Et le Professeur Hébié de rappeler à l’attention de la Cour que le droit international n’exclut pas une dérogation quand toutes les questions soulevées par ces cadres ne sont pas couvertes. L’homme de droit a rappelé les obligations des Nations dont les actions causent des dommages importants au système climatique mondial qui sont celle de prendre des mesures préventives, d’être avant-gardiste de la lutte contre la pollution, de ne pas adopter des mesures qui favorisent les gaz à effet de serre, de fournir de l’assistance financière, technique et technologique requis aux pays affectés par la désertification et d’autre aléas climatiques et enfin de coopérer de bonne foi à la résolution des défis posés par ces émissions aux conséquences néfastes pour l’humanité. En vertu des obligations de bonne foi, Hébié a jugé utile de préciser à la Cour qu’elle : « exige que tout Etat soumis à une obligation internationale s’abstienne de tout acte visant à en empêcher l’exécution ou à réduire son objet à néant. Pourtant, les Etats visés, au lieu de réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre conformément à leurs obligations, accordent des subventions à la production, à la consommation, au transport et au stockage d’énergie fossile, découplant ainsi les concentrations de gaz à effet de serre ». Il a fourni, lors de son plaidoyer une solution que le Burkina Faso propose face aux défis du changement climatique qui n’épargne, finalement aucune Nation de notre monde. « Les Etats doivent soutenir l’initiative de Grande Muraille verte portée, à ses débuts par le Burkina Faso et endossée par l’Union africaine » a lancé Hébie. Il termine sur la question des réparations invitant les Etats visés à offrir une indemnisation prompte, adéquate et effective aux Etats spécialement lésés par la violation de leurs obligations. Notons qu’à cette audience, le Burkina a eu le soutien de l’Ambassadeur du Niger à Bruxelles qui a effectué le déplacement de la Haye à l’occasion.
Une correspondance de Jérémie NION
Attaché de presse à l’ambassade du Burkina à Bruxelles