Massacre de Duékoué : Amadé Ouérémi, le bouc émissaire

Amadé Ouérémi, chef de guerre qui avait formé une milice tribale de 126 hommes sévissant dans le mont Péko et accusé des massacres de Duékoué, lors de la crise postélectorale, en mars 2011 a été condamné le jeudi 15 avril 2021, à la prison à vie avec près de 2 milliards de F CFA de dommages et intérêts à payer.

Ouvert le 24 mars 2021 pour crimes contre l’humanité commis pendant la crise post-électorale ivoirienne de 2010-2011 à Duékoué dans l’ouest du pays ou plus de 800 personnes ont été massacrées, le procès d’Amadé Ouérémi a connu son épilogue. En effet, on peut dire qu’Amadé Ouérémi va payer pour ses actes car nul ne saurait se prévaloir de ses propres turpitudes. Tout comme on ne saurait défendre un criminel.

Mais en revanche, on peut regretter qu’il soit resté seul dans le box des accusés dans ce procès jusqu’au verdict. Quoique, Amadé Ouérémi ait été désigné comme le bouc émissaire, il est difficile de comprendre, pour beaucoup d’observateurs, comment il aurait pu massacrer à lui tout seul près d’un millier de personnes. Pourtant, tel est le sens de cette condamnation. D’où cette interrogation, est-ce que toute la vérité a été dite au cours de ce procès ?

C’est pourquoi, en plus de Amadé Ouérémi, la justice ivoirienne doit creuser car des zones d’ombre existent toujours dans cette affaire qui semble avoir livré une infime partie de l’iceberg. Sinon, ce procès semble avoir été traité d’un seul côté.    

En effet, l’on s’attendait aussi à voir des têtes et pas des moindres du camp Ouattara s’expliquer devant la Justice ivoirienne, ne serait-ce que pour clouer le bec aux détracteurs du chef de l’Etat qui l’accusent de continuer à protéger ceux de son camp qui se sont aussi rendus coupables de graves exactions et de tueries lors des douloureux événements de 2010-2011.

C’est pourquoi, en ne creusant pas au-delà de la  personne du chef milicien qui, même si, soit dit en passant, il n’était pas non plus un enfant de chœur, la Justice ivoirienne tend à en faire une victime expiatoire aux yeux d’une certaine opinion. Comme si le régime Ouattara se refusait à faire le procès de ses propres partisans. Or, tant qu’il en sera ainsi, il sera difficile, pour le régime Ouattara, d’estomper le sentiment du deux poids deux mesures dans le traitement du dossier de la crise postélectorale.

En effet, il n’y a pas longtemps, c’était Laurent Gbagbo qui était poursuivi, devant la Cour pénale internationale, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans les violences post-électorales de 2010-2011. Et c’est à peine si l’on ne voulait pas lui faire porter entièrement le chapeau de ces violences qui ont fait 3000 morts sur les bords de la lagune Ebrié. Heureusement qu’il a été acquitté par la Justice internationale.

Dix ans après les faits, jusqu’à présent, aucun élément du camp Ouattara n’a eu à comparaître dans cette crise devant une juridiction. Et aujourd’hui encore, c’est Amadé Ouérémi qui est désigné comme le bouc émissaire pour porter le fardeau des massacres de Duékoué. Pourtant le même Ouérémi devant le tribunal n’a eu de cesse de clamer à la barre, qu’il a agi en supplétif des forces rebelles pro-Ouattara de l’époque, dont il recevait les ordres.

Certes dans ce verdict, Amadé Ouérémi, est condamné à payer seul pour les 800 morts de cette boucherie humaine qui bouleverse la conscience humaine. Et au regard de certaines déclarations, on est tenté de croire que Ouérémi est purement et simplement le bouc émissaire pour couvrir certains qui refusent d’assumer leurs forfaitures.

Ce qui n’est pas bon ni pour la Justice ivoirienne ni pour le peuple ivoirien au moment où s’amorce difficilement le processus de réconciliation nationale. La question que l’on peut se poser, est de savoir si la seule condamnation d’Amadé Ouérémi, suffira à étancher la soif de justice des parents des victimes de ces massacres, qui se comptent par centaines.

Surement non! Or, tant que cette étape ne sera pas franchie aussi bien dans les cas des massacres de Duékoué que des autres tueries de la crise postélectorale, il sera difficile que la réconciliation tant vantée sur les bords de la lagune Ebrié, puisse produire des résultats.

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