Les rumeurs annonçaient sa prochaine démission du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP). L’absence de son nom sur les listes de candidatures du CDP aux législatives du 22 novembre serait la cause de cette supposée démission. Mais, l’ancien président de l’Assemblée nationale, Mélégué Traoré dans une interview accordée au Bimensuel Le Reporter a été catégorique: « en aucun moment, je n’ai démissionné ». Il se prononce sur l’actualité politique notamment la présidentielle et les législatives du 22 novembre. Nous vous proposons ici un large extrait de cette interview digne d’intérêt dont vous pouvez lire l’intégralité dans le Journal Le Reporter.
Le Reporter : Le 24 septembre 2020, votre parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), publiait la liste complète des candidats aux élections législatives de 2020. Votre nom n’y figure pas. Qu’est-ce qui s’est passé ? N’étiez-vous pas candidat ?
Mélégué Traoré : Mon nom n’y figure pas parce que je l’ai retiré. Contrairement à ce que j’entends un peu partout, c’est moi qui ai retiré volontairement mon nom de la liste. Il n’y a pas lieu d’incriminer Eddie Komboïgo. Il n’y est pour rien. Tout le monde a été surpris évidemment de ne pas voir mon nom figurer sur la liste nationale du CDP, et j’entends toutes sortes de commentaires à ce sujet. Certains qui disent qu’il n’y a plus de confiance entre moi et Eddie Komboïgo, alors que je suis son principal soutien dans le parti. La vérité est que c’est moi qui ai librement demandé qu’on retire mon nom de la liste nationale des candidatures pour les législatives. Si je l’avais voulu, j’aurais sans doute été le deuxième, au moins le troisième sur la liste après le président du parti. Le CDP a des cadres de grande valeur et d’expérience, comme les Achille Tapsoba, Salif Sawadogo, Sanou Boubacar, Luc Adolphe Tiao, Arsène Bognessan Yé et autres qui nous feront gagner. On n’a pas besoin de moi à l’Assemblée nationale. Le bureau exécutif compte à présent de grands et puissants leaders politiques.
Pourquoi avez-vous demandé à retirer votre nom ?
J’ai demandé qu’on retire mon nom parce que, voyez-vous, j’ai passé 22 ans au Parlement. Je suis rentré à l’Assemblée nationale en juin 1992 et j’en ai été le président de 1997 à 2002. Cette fois-ci, je n’étais pas candidat au départ, tous le savent. Ce sont les militants et des responsables du parti, et non des moindres, qui sont venus m’assaillir pour dire qu’ils ne comprennent pas et que l’opinion ne comprendra pas que je ne sois pas inscrit pour être candidat, compte tenu de mon action et de ma visibilité ces dernières années pour le parti. Ils ont fait beaucoup de pressions sur moi pour que je me porte candidat pour, disaient-ils, rehausser le niveau de la liste. J’ai fini par accepter. Je n’avais même pas tous mes documents. J’ai dû envoyer quelqu’un spécialement à Banfora pour l’établissement de mon casier judiciaire. J’ai payé les 200 000 FCFA comme tout le monde. Une dizaine de jours avant la publication de la liste complète des candidats, j’ai informé mes principaux partenaires au CDP, comme l’ancien Premier ministre Luc Adolphe Tiao, le Président Bognessan Arsène Yé, les ministres Topan Sané Mohamed et Jean de Dieu Somda… qu’après mûre réflexion, finalement, j’allais retirer mon nom de la liste. Ils ont tous été d’avis qu’il fallait maintenir ma candidature. Selon eux, mon nom apporterait du poids à la liste. J’ai accepté, mais j’ai continué à réfléchir. Par la suite, après que nous avons discuté avec le président du parti, Eddie Komboïgo, je lui ai fait part de mon envie de me retirer. Il m’avait dit que c’était à moi de décider. Donc finalement, j’ai demandé qu’on déleste mon nom de la liste. Je pense qu’il faut laisser la place aux jeunes maintenant. J’ai quand même 69 ans. Toutefois, je me donne toute liberté de choix ou d’option dans l’avenir.
Mais, est-ce que ce n’est pas le fait que vous n’alliez pas être tête de liste qui vous a poussé à retirer votre nom ?
Non. Dans la mesure où le président du parti est lui-même candidat, je ne réclamais pas d’être tête de liste. Dans le système politique burkinabè, on voit toujours le président du parti comme le premier sur la liste nationale des candidats. Ce que j’ai, en revanche, refusé dès le départ il y a déjà plusieurs mois, c’est de me présenter dans la province de la Léraba, cela garantissait, disaient les uns et les autres, au CDP un poste de député dans la province, car depuis l’insurrection, notre parti n’a aucun député aux Cascades. Mais j’ai dit non. Pour moi, il n’était pas question d’aller bloquer encore les jeunes à la Léraba après avoir fait 22 ans à l’Assemblée nationale. Ces jeunes m’ont suivi pendant une trentaine d’années pour toutes les campagnes. Mon devoir est désormais de les soutenir. J’ai d’ailleurs fait des tournées le mois dernier jusqu’à la frontière de la Côte d’Ivoire, pour soutenir mes jeunes frères et mes fils et filles.
J’ai, me concernant, entendu tellement de rumeurs sur cette affaire, que ce soit au sein de mon parti le CDP, ou dans d’autres partis. J’ai été surpris d’entendre des choses que je n’imaginais même pas. Des gens affirmaient que si je revenais au Parlement, c’était pour reprendre la tête de l’Assemblée nationale, et qu’on ne pourrait pas m’en empêcher. C’est ridicule de la part de ceux qui l’affirmaient. Si Eddie Komboïgo est au Parlement, je ne vais pas lui porter ombrage ou le concurrencer. C’est mal me connaître. J’ai aussi eu la confirmation que certains membres du parti avaient expliqué que c’était dangereux de me laisser retourner à l’Assemblée nationale, car je suis incontrôlable et que je dominerais tout. Une insulte à la vérité historique a même laissé entendre que dans la géopolitique nationale, l’Ouest c’est Bobo-Dioulasso. C’est de l’inculture absolue. Dans la géopolitique interne du Burkina Faso, les deux premiers leaders de l’Ouest ont été Ouezzin Coulibaly et Nazi Boni, tous deux de Dédougou au Mouhoun. Puis, ce furent Ali Barraud et Traoré Djongolo de Orodara, et par la suite, Vinama et Malo Traoré de Bobo-Dioulasso en 1958-1959. Après, l’on a eu Palé Welté du Sud-Ouest. Pour la période récente, on peut citer Naboho Kounidoua du Tuy, Bognessan Arsène Yé des Balé, et sans fausse modestie, moi-même des Cascades. Il est mieux pour eux que les gens parlent de ce qu’ils connaissent, et qu’ils ne tombent pas dans les niaiseries de l’inculture.
Il y a eu une dernière chose. Les bruits couraient que l’on ne voulait pas de membres du Haut Conseil sur les listes, car à l’Assemblée, ils allaient écraser les jeunes et les reléguer au second plan. Or, des membres de la Direction avaient déjà promis des postes de ministre ou de président de Commissions parlementaires. Certains Secrétaires généraux de section clamaient avec assurance qu’on leur avait donné l’assurance qu’ils seraient tête de liste provinciale. Je n’aime pas et ne suis pas habitué à ce type d’ambiance.
Des sources annoncent votre démission du parti, qu’en est-il exactement ?
On m’a beaucoup posé cette question ces temps-ci. Non, à aucun moment je n’ai démissionné du parti. Ce sont des spéculations. Il est vrai qu’à une période, il y a un an, j’avais indiqué que si le parti devait fonctionner depuis Abidjan, j’allais démissionner. C’est la raison pour laquelle, lorsque Blaise Compaoré nous a convoqués en octobre 2019 à Abidjan, j’ai refusé d’y aller. J’avais expliqué que le congrès avait sanctionné des militants, et qu’il n’était pas acceptable d’aller discuter avec eux à Abidjan et non à Ouagadougou. Donc pour cela, j’avais préparé ma lettre de démission, elle est toujours là d’ailleurs, je peux vous la montrer. D’ailleurs, ces militants ont tous démissionné du CDP aujourd’hui. Le jour où je voudrai démissionner du CDP, ça sera connu publiquement….
La suite de l’interview, dans le numéro 297 du journal Le Reporter du 1er Novembre 2020.