Dans le texte qui suit, le collectif qui a renoncé à organiser le meeting du 31 octobre pour commémorer le 9è anniversaire de l’insurrection populaire répond au président de la délégation spéciale de Ouagadougou. L’on se rappelle que le PDS avait demandé et obtenu la non-tenue dudit meeting.
«Nous accusons réception de votre correspondance N° 2023-4297/CO/M/SG du 26 octobre 2023 en réaction à notre lettre d’information pour la tenue d’un meeting de commémoration du 9ème anniversaire de l’insurrection populaire d’octobre 2014 et du 8ème anniversaire de la résistance victorieuse au coup d’Etat de septembre 2015. Nous notons avec intérêt que vous reconnaissez que notre activité est légale. A contrario, vous avancez un certain nombre d’éléments qui ont sous-tendu de votre part une demande de sursis à la tenue de notre activité.
Monsieur le Président de la délégation spéciale (PDS), les arguments avancés requièrent de notre part les observations suivantes :
- Du contexte sécuritaire qui mobilise l’essentiel des forces de sécurité
Monsieur le Président de la délégation spéciale,
Nos organisations voudront vous rappeler que ce meeting se tient dans un lieu public mais clos qui est la Bourse du travail. Il n’y a donc pas à priori nécessité d’une mobilisation particulière des FDS. Nous sommes d’autant plus étonnés de l’évocation de cette donne alors qu’en même temps, vous nous invitez à participer à une manifestation officielle qui, elle, nécessite, à n’en pas douter, une mobilisation exceptionnelle des Forces de défense et de sécurité (FDS).
- Des risques sérieux d’affrontements
Monsieur le Président de la délégation spéciale,
Depuis l’appel fait par le Collectif CGT-B le 14 octobre 2023 en vue d’une mobilisation pour ce meeting, des individus ont lancé une vaste campagne de manipulation, d’intimidation, de diffamation, de menaces d’atteinte à l’intégrité physique des dirigeants et des militants du Collectif des organisations.
Ces menaces ouvertes, publiques avec des déclarations et des vidéos postées sur les réseaux sociaux par des individus à visage découvert, se réclamant des soutiens du MPSR2 et du Chef de l’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré, n’ont fait l’objet d’aucune déclaration, ni de prise de décision par les autorités administratives et politiques. Monsieur le PDS, quelles sont les mesures que vous avez prises face à ces menaces de mort contre les responsables et militants de nos organisations ?
Il est donc aisé de comprendre que cette situation délétère a été sciemment créée et entretenue par le MPSR2, son gouvernement avec le chef de l’Etat et le Premier Ministre en tête (eu égard à leurs récentes déclarations) et leurs soutiens.
- Des risques réels d’infiltration
Monsieur le Président de la délégation spéciale,
Nos organisations ont toujours montré leur maturité politique et leur sens élevé de responsabilité lorsqu’elles engagent une action. De ce qui précède, nous ne sommes donc pas étonnés que les autorités du MPSR2 et leurs soutiens aient décidé d’infiltrer notre manifestation pacifique et de créer des troubles qu’ils s’en presseront de mettre sur le dos de nos organisations. Mais nous sommes étonnés que vous en tant que PDS, garant de la sécurité des citoyens de cette ville, vous n’ayez pris aucune disposition pour empêcher cette situation.
- De l’accentuation de la fracture sociale
Monsieur le Président de la délégation spéciale,
La fracture sociale s’est accentuée depuis que le Chef de l’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré, et ses soutiens ont catégorisé les Burkinabé en deux groupes : ceux qui les soutiennent sont qualifiés de patriotes et tous les autres d’apatrides. Pour ces « patriotes » tous ceux qui ne sont pas avec eux, sont contre eux. La fracture sociale s’accentue également du fait que des Burkinabè, membres d’OSC soutenant le pouvoir peuvent tenir comme bon leur semble des meetings à la place de la révolution, faire des marches de soutien, occuper permanemment les ronds-points, soumettre les usagers de la route à des contrôles sans aucune autorisation. Pendant ce temps, d’autres organisations légalement reconnues dont le crime est de ne pas être des griots zélés du régime sont empêchés de faire un meeting et leurs responsables menacés ouvertement de mort.
Monsieur le Président de la délégation spéciale,
La commémoration de l’anniversaire de l’insurrection populaire et de bien d’autres dates-clés de l’histoire de notre pays, est une tradition pour la plupart de nos organisations. Ces commémorations, organisées de manière autonome se sont jusque-là passées sans aucun trouble. Votre lettre est un aveu de votre refus d’assumer vos responsabilités à sécuriser une manifestation légale, objet de menaces proférées par des individus à visage découvert. De surcroit, ces individus peuvent faire des marches et des meetings à tout va. Nous en voulons pour preuve les récentes manifestations au monument des martyrs le 31 octobre 2023 et au palais des sports le 05 novembre de la même année. Si tous les citoyens sont égaux devant la loi, il y a là du deux poids deux mesures.
Au regard de ce qui précède, Monsieur le Président de la délégation spéciale, tout en dénonçant votre attitude partisane et vous interpellant à assurer une gestion équitable des citoyens dans votre ressort territorial, nous vous prions de croire en notre détermination à nous battre pour que chacun réponde de ses actes devant l’histoire. »
Ont signé :
ABASSEP, AJB, CADDL, CCVC/Ouaga, CDAIP, CNP-NZ, Collectif syndical CGT-B, Balai Citoyen, ODJ, Association Kebayina des femmes du Burkina, MBDHP
CISC, UGEB, REN-LAC, SYNAMUB, Association Yampalga, Collectif JOLA Menacés