Il s’agit là d’un beau gouvernement. Le plus beau jamais mis en place depuis 2016. Une telle équipe en début de mandat aurait fait des miracles pour le Faso. S’il existait un hit-parade ou un concours ouest-africain du gouvernement le plus intello, nous serions en bonne place. On peut en être très fier. Sur les 26 ministres dont le PM, il y a au moins 12 docteurs dont 5 du grade de professeur. C’est environs un taux avoisinant 50%.
Le choix de la technocratie est clairement affiché. En plus d’un lifting assez profond. Le changement de visage est net. L’ensemble de ces aspects constituent des points forts. Mais il y a également des points faibles. L’écart de ces forces et ces faiblesses pourrait indiquer si le gouvernement actuel pourra nous tirer d’affaire avec les résultats qu’il faut.
Les points faibles sont essentiellement :
1/ le grossissement par la tête (macrocéphale). Très forte tendance technocratique.
Dans un contexte de crise aggravée et de guerre, on se demande si cela ne représente pas un handicap pour cette équipe pour réussir véritablement. Comment pourraient se concilier des aspirations fortes à la base avec un faible ancrage social et populaire du gouvernement? Seulement 14 sur les 27 membres du gouvernement (y compris le PM et la SG) ont un réel contact avec la population. Près de la moitié est éloignée des citoyens.
Cette sorte de pyramide inversée avec un sommet large et une base effilée aura également joué contre le jeu habituel de l’équilibre géopolitique local. On assiste à une logique, pour le moins insaisissable, qui se traduit par un gouvernement à tendance verticale contre l’horizontale et se rétrécissant à la base.
2/ La faible inclusion et la quasi absence d’ouverture politique. Bien de personnes avisées l’ont déjà dit. Le contexte national reconnu par le président et son PM eux-mêmes comme appelant à l’union sacrée ne s’est pas traduit par une solution qui ne pouvait être qu’une ouverture politique. Ici la société civile et l’opposition ont été ignorées.
Il y a des points très importants de la situation nationale qui n’ont pas été non plus pris en compte de manière formelle pour manifester une certaine volonté. Toute chose qui n’est pas sans faire perdre un certain crédit au nouveau gouvernement dans l’opinion. Le PM et le chef de l’Etat auraient dû saisir l’occasion d’envoyer le plus grand signale que le présent gouvernement est différent des autres et qu’il est spécial dans un contexte spécial. Il fallait que certaines situations soient déclinées et formulées dans les dénominations des départements ministériels. Ce sont par exemple : « les personnes déplacées »; « la reconquête du territoire et la sauvegarde de la souveraineté nationale »; « la moralisation de la vie publique ».
Si le gouvernement est tombé, c’est parce qu’il est victime d’une crise du pouvoir dont les causes sont essentiellement :
3/ La guerre et ses conséquences comme l’occupation du territoire et le million et demi de déplacées. La dénomination du ministère de l’action humanitaire pouvait intégrer cette réalité nationale gravissime et inédite.
4/ La malgouvernance particulièrement la corruption. La preuve c’est l’opération mains propres envisagée. Cette question pouvait être associée au ministère de la réconciliation nationale ou à un autre de manière explicite.
Un gouvernement venu à cause de ces problèmes devait, en notre sens, pouvoir en porter les signes comme des étiquettes. Il n’y a ni honte ni anormalité à cela. Un gouvernement dit de combat doit brandir le drapeau du combat sur lequel sont inscrites les causes qui appellent le combat.
Enfin, il y a certains points qui suscitent des questionnements. En s’imaginant ce que la question sécuritaire représente comme gros fardeau et la tâche corsée pour un ministre. On s’interroge alors pourquoi y avoir ajouté l’Administration territoriale et la décentralisation à gérer par un même ministre ? Le risque d’alourdissement et partant de l’inefficacité n’est-il pas réel ici?
Le ministère de la prospective et des réformes structurelles. D’une pertinence et d’une grande importance dans une période de paix, paraît plutôt superflu dans ce contexte de guerre, de crise et de la lutte pour la survie de la patrie.
S’il nous faudrait conclure sans tirer de conclusion hâtive, parce que l’honnêteté intellectuelle commande de juger sur les faits, nous pourrions conseiller au Premier ministre de se coller au contexte national assez exceptionnel en changeant radicalement la perspective de son gouvernement pour aller au pragmatisme et à la réalité du terrain. C’est l’unique paradigme de la réussite présentement. Car à vue d’œil la photographie de l’équipe gouvernementale donne l’impression d’être beaucoup plus un gouvernement satellitaire que populaire et sociale.
Lookmann SAWADOGO
Journaliste -éditorialiste
Auteur