Le ministre de la santé, le Pr Charlemagne Ouédraogo, lors d’une sortie sur le lancement de l’étude sur la séroprévalence du Covid-19 au Burkina a annoncé que bientôt, pour prendre part aux réunions du ministère de la santé et de ses partenaires, il va falloir présenter le pass vaccinal. Cette sortie, selon certains portent les germes d’une certaine stigmatisation. Pour eux, ne pas se vacciner ne fait pas de la personne un vecteur potentiel de contamination. Sur quelle loi s’appuie-t-on pour stigmatiser ceux qui ne se sont pas encore vaccinés ? Parmi ceux qui ne sont pas d’accord avec le ministre de la santé, figure Dr Louré Arouna, médecin Anesthésiste-Réanimateur au CHU de Bogodogo. Pour comprendre son désaccord, nous avons voulu l’entendre.
Infoh24 : Avant tout propos, dites-nous, c’est quoi un vaccin?
Dr Louré Arouna : Un vaccin est un produit qu’on injecte à une personne dans le but de prévenir la survenue d’une maladie. Le vaccin a un but préventif.
Le ministre de la santé a laissé entendre que bientôt une note sortira pour rendre obligatoire pass vaccinal pour l’accès à aux salles de réunion. Quel est votre avis sur cette décision annoncée ?
J’ai souri quand j’ai écouté cela pour deux raisons essentiellement. D’abord à cause de l’épidémiologie de la Covid dans notre pays puis à cause de la forme légale. À ma connaissance, le Burkina Faso ne traverse pas une situation épidémiologique catastrophique vis-à-vis du Covid pour qu’on ose restreindre les droits fondamentaux d’un citoyen Burkinabè. De même la limitation de ces droits ne peut être de la prérogative d’un ministre. Nous sommes tout de même dans un état de droit.
Le ministre de la santé n’est-il pas en droit de prendre une telle mesure, surtout qu’il a lui-même donné l’exemple pour dissiper les doutes ?
Je ne rentrerai pas dans les détails de la vaccination du ministre, cela est son choix. Mais chaque citoyen devrait avoir le droit de disposer de son corps comme il le veut. Et si la situation de notre pays doit imposer cette restriction, il faut tout de même respecter les procédures.
Vous qui êtes dans le domaine, pourquoi cette réticence sur le vaccin pourtant le ministre soutient que le vaccin est la solution ? N’allez-vous pas jeter en pâture la population car, au sein des acteurs de la santé certains ne sont pas convaincus surtout avec une telle sortie que vous avez faite ?
Je me dois de faire des rectifications. Je ne suis pas contre la vaccination dans sa globalité. Je suis juste contre son imposition et sa généralisation au vue de notre contexte épidémiologique, mais surtout au vue du risque d’une violation outrancière des droits fondamentaux du peuple Burkinabè.
Cette décision en cours n’est-elle pas une manière de protéger le personnel soignant et les cadres du département pour mieux mener les missions ?
(Rire) cela ne devrait point s’imposer. Et vue la manière dont c’est fait, il ne s’agit nullement de protéger les agents de santé vu que très peu participent aux différentes réunions citées. Cela aurait été le cas que le ministre aurait dû prendre un arrêté qui impose la vaccination à tous les agents de santé. Pour moi, cela est de l’ordre de la distraction.
Peut-être que celui qui n’est pas vacciné est un potentiel vecteur de contamination.
Oui, tout comme celui qui est vacciné. Donc en réalité c’est le non vacciné qui devrait avoir peur du vacciné.
Pour vous, cette décision est-elle une stigmatisation ?
Pour moi elle est juste inopportune et anachronique.
Le ministre ne s’appuie-t-il pas sur une loi quelconque ?
On nous citera l’article 61 du code de santé publique. Mais cet article ne donne au ministre que le pouvoir de rendre obligatoire la vaccination dans des zones menacées lorsque qu’il y a preuve que le vaccin est efficace.
N’avez-vous pas peur qu’on vous traite au Burkina comme le Dr Raoult de Marseille en France ?
Non absolument pas ! Mes motivations vont au-delà de la santé. Je rêve juste d’une nation burkinabè plus juste et plus équitable. Demain nous aurions un président qui aspire à cela, que le Dr Arouna Louré va disparaître dans les méandres d’un hôpital public burkinabè qui fonctionne correctement.
Selon vous que doit faire le département de la santé pour amener la population à la vaccination contre la Covid-19 ?
Il faut juste expliquer aux populations la nécessité de la vaccination; mais aussi, leur donner les informations sur l’inoculation des vaccins.