C’était prévisible. Les rapports de force en présence indiquaient clairement que dans cette compétition électorale, le sortant partait avec une longueur d’avance sur ses adversaires. L’opposition a cru surfer sur « l’échec de la gouvernance du président Roch Kaboré au cours de ces 5 dernières années » pour réaliser le hold-up parfait. Mais à l’arrivée, elle s’est fait coiffer au poteau. Et c’est peu dire.
En attendant la proclamation des résultats définitifs par le Conseil constitutionnel, la présidentielle de 2020 a livré son verdict. Les urnes ont donc parlé. Sans surprise, Roch Kaboré est réélu par 1 654 892 électeurs soit 57,87% des suffrages exprimés, distanciant largement ses poursuivants immédiats que sont respectivement Eddie Komboïgo du Congrès pour la démocratie (CDP) avec 15,48% et Zéphirin Diabré, de l’Union pour le progrès et le changement et chef de file sortant de l’opposition avec 12,46% des voix exprimées. Les 10 autres candidats se partagent moins de 15% des suffrages.
Pour les observateurs avertis, cette réélection du Président Kaboré était plus que certaine. En face, l’opposition ne faisait pas le poids. Mais bien des analystes politiques ou prétendus tels, sur on ne sait quelle base objective, chantaient sur les plateaux de télévision que le second tour était inévitable. Et l’opposition elle-même a fini par y croire. Même les rares sondages réalisés par l’Institut de recherche et de sondage Apidon (IRSOA) qui créditait Roch Kaboré de 57,61% des intentions de votes, n’ont pas réussi à interpeller ces spécialistes des analyse de bas étages. Ils ont plutôt été interprétés par ces analystes et des opposants comme un complot visant à soutenir l’impossible « Coup KO ». Il faut espérer que par honnêteté intellectuelle ceux qui ont tenté de discréditer cet institut lui présenteront leurs excuses. Comme en 2015, ces sondages se sont confirmés Bref, le verdict des urnes est désormais connu. Ceux qui avaient misé sur un second tour sans Roch Kaboré (sic) vont devoir revoir leurs leçons politiques.
En tous les cas, ce scrutin législatif et présidentiel couplé est bien riche en enseignements.
Le premier est celui de la faible participation liée essentiellement à trois phénomènes interdépendants : la confirmation du désintérêt de bien des Burkinabé du processus électoral ; la crise sécuritaire qui a exclu de fait des milliers citoyens de l’exercice de leur droit civique et enfin, les dysfonctionnements unanimement reconnus dans l’organisation des élections. Finalement, un peu moins de 3 millions (2 993 280) sur un potentiel de plus de 8 millions d’électeurs ont pu effectivement voter le 22 novembre pour départager les 13 candidats. On peut en conclure que le Burkina Faso n’était pas suffisamment prêt pour des élections véritablement inclusives de tous les citoyens partout sur le territoire nationale et que la classe politique est incapable de faire espérer la grande majorité des Burkinabé.
Ensuite, s’il faut se féliciter du bon déroulement de la campagne électorale dans son ensemble, l’on ne peut s’empêcher de relever qu’elle a été parfois affligeante au regard des propos injurieux vis-à-vis des adversaires et surtout de l’arrogance et de l’immaturité dont certains candidats ont fait montre durant les 21 jours. Le discours a souvent rasé le sol avec des envolées lyriques risibles et irrévérencieuses. L’on a souvent assisté à des tentatives de négation ou de déni des luttes récentes du peuple burkinabè. Certains candidats confondant la foule et l’électorat, se sont laissés entrainer dans des discours révoltants pour une partie de l’opinion nationale. Or, les peuples préfèrent être gouvernés par des hommes humbles. Quand on aspire à diriger un peuple, on ne peut pas se permettre la légèreté des actes et du discours. Quand on n’a rien à proposer, on évite d’étaler ses carences en insultant l’intelligence du peuple ou d’une partie du peuple. L’on ne peut pas demander aux populations, le respect qu’on souhaite, tout en leur étalant en pleine figure, des discours de suffisance ou de remise en cause de leurs combats d’hier.
Un autre élément important à souligné, est que l’argent a été un élément déterminant dans cette élection. Il a fait la différence entre les grands partis les moins nantis et cela s’est également ressenti dans les résultats. L’on pourrait même que son usage a été proportionnel aux résultats proclamés ce jeudi par la CENI.
Enfin et loin d’être exhaustif, l’on peut noter que contrairement à certaines perceptions, il n’y a pas que l’électorat rural qui vote pour les pouvoirs sortants. Aussi bien à Ouagadougou qu’à Bobo-Dioulasso, Koudougou et Ouahigouya, le Président Kaboré a pulvérisé ses adversaires. C’était aussi le cas sous Blaise Compaoré.
Ouf ! Tout est bien qui finit bien. Comme dirait Simon Compaoré, « Today, the game is really over ». Mais le Coup KO est loin d’être une fin en soi. Le Président Kaboré doit enfin remettre les Burkinabè au travail. Il doit surtout donner l’exemple et secouer le cocotier de son entourage. Il s’est très mal entouré au cours de son premier mandat. Il faut espérer qu’au deuxième, il fera la part entre ses amitiés et et sa responsabilité de chef de l »Etat. La gouvernance doit changer. Et le plus rapidement serait le mieux. Autrement, l’on court droit vers le scénario malien. Il a donc réussi le pari de faire mieux qu’en 2015. Mais le plus dur reste à venir pour lui et pour le Burkina Faso.