Le procès Thomas Sankara et de ses 12 compagnons s’est poursuivi, ce mardi 16 novembre 2021 avec l’interrogatoire de l’accusé Diakalia Démé. Avec l’absence l’accusé Tibo Ouédraogo, bénéficiant d’un repos médical. Le président du tribunal a annoncé l’étape des témoins à la barre. Les deux témoins à la barre pour cette série e passage des témoins sont Daouda Traoré et Boukary Kabore dit le lion.
L’interrogatoire de l’accusé Diakalia Démé a pris fin avec l’audience du jour. Après les séries de questions au fond du parquet militaire et des avocats de la partie civile, ce fut le tour de son avocat, Me Olivier Somé, de lui poser des questions à décharge. À travers ses questions, Me Olivier a abouti que son client ne peut être considéré comme un complice concernant la neutralisation de la Force d’Intervention du ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité (FIMATS). Il attend le moment opportun pour le prouver lors des plaidoiries.
Après lui, c’était son chef d’escadron, le lieutenant Tibo Ouédraogo qui devrait passer à la barre. Mais l’avocat de l’accusé Tibo avait notifié au juge que son client avait fait un accident vasculaire cérébral (AVC) demandant ainsi au juge le report de sa comparution.
Le témoin Daouda Traoré, Colonel-major à la retraite, lieutenant au moment des faits était aussi membre du bureau politique du Conseil national de la révolution (CNR) à la barre
En effet, Daouda Traoré a été le premier témoin à la barre explique sa version des faits des événements de la journée du 15 octobre 1987. Devant le tribunal, il a juré de dire la vérité sans haine, toute la vérité et rien que la vérité devant la Tribunal.
En effet » avant le 15 octobre 1987, la tension était montée. Les tracts du genre ordurier contre le président Thomas Sankara circulaient et on pouvait lire ce ‘’peul mossi indigne’ ’Ce qui a contribué à envenimer la situation. Et moi je venais d’être affecté à Fada N’gourma comme Commandant du Régiment d’infanterie commandos (RIC). J’avais essayé avec Thomas Sankara, de me faire former à Cuba. Pendant qu’il était retissant, Blaise Compaoré travaillait à cela et je dois reconnaître que cela nous a beaucoup rapprochés », relate-t-il.
Dans cette situation tendue, le Colonel major Daouda Traoré soutient qu’avec un petit groupe, ils ont pris l’initiative d’aller rencontrer Blaise Compaoré pour lui en parler afin de faire baisser la température du thermomètre. «Mon capitaine, on est venu vous voir parce que les gens pensent que c’est vous qui êtes à l’origine de la discorde. En plus, vous ne veniez plus aux réunions » a dit Daouda Traoré à Blaise Compaoré.
Ce qui fait entrer Blaise Compaoré dans une colère noire et de lancer : « pourquoi c’est moi que vous venez voir ? » Puis, il se calme en fin de compte et confie qu’il n’avait rien contre Thomas Sankara et que ce que les gens racontaient n’étaient que des rumeurs. « Je ne prendrais même pas une brindille contre Thomas Sankara » a-t-il lancé au colonel major Daouda Traoré.
A ce moment précis, le Colonel major dit avoir repris la parole pour lui enjoindre que si c’est ainsi, il n’avait simplement qu’à faire un démenti pour rassurer tout le monde. Il n’a pas opposé de refus à cela. Cette déclaration publique allait se faire devant les camarades lors d’une visite sur la mine d’or de Pourra. Et selon le colonel-major Traoré « Blaise Compaoré avait un problème avec la Révolution. Je pense que c’est parce que Sankara était rigoureux ». Il affirme que Blaise Compaoré utilisait les frustrations des gens.
Un incident sauve Daouda Traoré
Toujours dans son témoignage, le Colonel major Daouda Traoré, déclare que pour lui, tout était réglé et le 15 octobre au matin, il devait rejoindre son poste à Fada N’Gourma en tant chef de commandement de l’unité d’infanterie commando. Malheureusement, dans les courses, son chauffeur a fait un petit accident en ville et le voyage a été recalé pour le soir.
« A 16 heures, les tirs ont commencé. J’ai pris mon arme et avec mon garde du corps pour foncer au conseil de l’Entente. Arrivés au niveau du poste de l’actuel lycée Bogodogo, j’ai envoyé mon élément d’aller dire que c’était le lieutenant Daouda Traoré et que je voulais entrer au conseil. Je ne sais pas s’il a pu dire quoi que ce soit, il a été neutralisé. Et sans que je ne m’en rende compte, ils ont rafalé dans direction. Je me suis plaqué au sol et fais tous les murs pour me retrouver à Yalgado » raconte-t-il.
Dans cet imbroglio, il tente de rentrer en contact avec le conseil
Avec le Commandant de Escadron de transport et d’intervention rapide (ETIR), Koama Michel au téléphone, ce dernier lui demande ce qu’il se passe. Qu’il paraît que ça tire à Ouagadougou ? Et Daouda Traoré de confirmer. Je me prépare. On va venir et prends des dispositions avec tes hommes pour sécuriser le pont à l’entrée, on arrive, relance Koama Michel. »Il n’est jamais arrivé », regrette-t-il.
C’est au cours de la nuit, il a entendu le communiqué où on traitait Thomas Sankara de « renégat et autres », lu par le lieutenant Omar Traoré. Et il pensait que l’ennemi était toujours de l’extérieur. Mais il entreprit d’appeler le lieutenant Omar Traoré pour comprendre qu’est ce qui s’était passé ? Et où était Thomas Sankara ? Lui demander ce qu’il a foutu et où était Thomas Sankara ?
Au bout du fil, ce dernier décroche, dès qu’il a demandé où était Thomas Sankara, il dit ne quitte pas, je te passe Diendéré. Et Diendéré de répondre, ne quitte pas, je te passe Lingani. Lui aussi dira la même chose. Ne quitte pas, je te passe Blaise Compaoré. Enfin Blaise Compaoré lui répond que Thomas Sankara est mort. « Quand il a dit cela, j’ai crié », scande-t-il.
Deuxième témoin à la barre Boukary Kaboré dit «le Lion»
Barbe et cheveux bien blancs, coiffé d’un bonnet blanc et dans sa tenue traditionnelle Faso Danfani, Boukari Kaboré était beaucoup attendu par nombre d’observateurs. Après son serment devant le tribunal, il a fait des observations. Pour Boukary Kaboré dit «le Lion», chef de la Brigade d’intervention aéroporté (BIA) à l’époque plaide pour l’enregistrement du procès.
Les observations du lion
« Le procès n’est pas un procès de Téma Bokin, ce n’est pas un procès de Ouagadougou. C’est plutôt un procès du monde entier » a-t-il fait observer. Ensuite, il a aussi souhaité que les martyrs du 15 octobre soient enterrés car selon lui, l’exhumation des dépouilles pour autopsie est la cause des malheurs actuels sur le pays.
Sur ce qui s’est passé le 15 octobre 1987, à en croire le capitaine à l’époque et commandant du Bataillon d’Intervention Aéroportée de Koudougou Boukary Kaboré dit «le Lion» dans son récit, les événements de la journée du 15 Octobre ont été minutieusement préparés » et selon lui « il n’était pas question d’arrêter Thomas Sankara, c’était de le tuer » et le capitaine Sankara le savait. Mieux il disait « Faut laisser le type « Blaise Compaoré » me tuer et les gens vont parler de ce qu’on a fait ».
Les évènements du 15 octobre 1987
Le lion est revenu également sur des rencontres qui ont précédé les évènements du 15 octobre 1987. Il s’agit notamment d’une assemblée générale entre les éléments de la garde de la sécurité présidentielle pour détendre l’atmosphère qui y régnait. Cette rencontre s’est tenue le 14 octobre 1987 de 15h à 22h sur initiative de Gilbert Diendéré.
Le lendemain, 15 octobre, la rencontre reprend autour de 9h et c’est au cours de la séance que Diendéré reçoit une note où c’était écrit : « Le capitaine (Sankara) veut faire un coup d’État à la réunion de 20h », relate le lion, précisant que le message a été lu à haute voix. Il indique que Diendéré a dit qu’il faut d’abord vérifier l’information, suspendant la rencontre.
Concernant l’atmosphère tendue, Le Lion a dévoilé qu’il y avait deux plans du coup d’État. Le plan A consistait à éliminer Le lion, Koama Michel (commandant de l’escadron de transport et d’intervention rapide, ETIR) et Sigué Vincent (chef de sécurité de Thomas Sankara) tandis que le plan B consistait à isoler Thomas Sankara pour l’éliminer.
Les nouveaux à comparaître selon le lion
Au cours de ce passage, Boukari Kaboré a cité deux noms, comme ayant assisté aux événements du 15 octobre 1987 au conseil de l’Entente. Il s’agit de René Yoda et Rasmané Ouédraogo, son chauffeur. Les avocats de la partie civile ont demandé au tribunal d’accéder à leur comparution en tant que témoins.
Cette requête est en examen devant le tribunal. Ils ont aussi demandé une confrontation directe avec Gilbert Diendéré, sur certains points des déclarations du témoin. L’audience reprendra le 17 novembre à 9h, toujours avec le témoin Boukari Kaboré dit le Lion.