8 septembre 2024
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Procès Thomas Sankara et de ses compagnons : «L’accusé Gilbert Diendéré n’assume jamais ses responsabilités» Me Farama Prosper

L’audience du procès Thomas Sankara et de ses douze s’est poursuivie ce lundi 7 février 2022 avec la plaidoirie de la partie civile. Les plaidoiries ont débuté par cette entrée en matière de Me Prosper Farama. Dans un exercice de démonstration prouvée à travers les témoignages et les pièces de l’instruction montré l’implication de l’accusé Gilbert Diendéré, de complicité d’assassinat et d’attentat à la sûreté de l’état. A sa suite, Me Anta Guissé de la partie civile a aussi évoqué devant la Chambre de jugement que le volet international du procès Thomas Sankara est toujours en instruction. Et les avocats des parties civiles sont dans l’attente de la désignation officielle du successeur du juge Yaméogo François.

L’avocat de la partie civile Me Prosper avant de déposer  son argumentaire pour inculper l’accusé des faits qui lui sont reprochés. Il a décidé de mettre l’eau à la bouche du tribunal avec l’altercation qu’il aurait eue avec le général Gilbert Diendéré. « Un soir, lorsque je travaillais à la maison, mon fils vient me demander sur ce qui s’est passé au tribunal militaire car il a appris que j’ai des problèmes avec un accusé. Puis il a ajouté que ses camarades lui ont dit que je m’en prends à un accusé et que cela risque de me coûter cher. Partant de cette interrogation soulevée par mon enfant que j’ai alors compris ce que les enfants de Thomas et les autres victimes ont traversé durant toutes ces années. Pourtant je pensais faire mon travail mais si mon enfant a peur pour moi, alors je suis sur la bonne voie ».

Partant de cet exemple pour interpeller les uns et les autres sur la nécessité de la justice dans une société. L’avocat replonge le tribunal dans un cours d’histoire sur les coups d’Etat au Burkina Faso. En 1966, à en croire Me Farama, le peuple a fait appel aux militaires pour sauver une situation, une erreur commise car le peuple venait d’ouvrir la boîte de Pandore qui continue jusqu’à aujourd’hui. Ce qui montre que depuis 1966, les burkinabè étaient devenus familiers aux coups d’État. Mais il a été interloqué par la violence utilisée lors de celui du 15 octobre 1987.

Me Prosper Farama et Me Anta Guissé de la partie civile©infoh24

Le plus décevant c’est qu’après l’acte ignoble, ils sont allés jeter les corps. Et ils sont rentrés chez eux pour trinquer du champagne car selon certains témoins, Blaise Compaoré aimait le champagne. Pour Me, « le Burkina a connu des coups d’État mais pas venant d’un ami. Chez les Samouraï, même quand on vainc l’adversaire, on lui doit du respect » a-t-il ajouté.

Toujours dans l’attelage de son argumentation, l’avocat s’insurge contre l’opinion véhiculée par certains qui estiment que les familles des victimes doivent tourner la page dans cette histoire du 15 octobre 1987, 34 ans après les événements. Pour eux, on doit accorder le pardon aux accusés. On a même entendu des citoyens dire qu’est-ce que voulez après 34 ans ? A quoi sert ce procès ? Eh bien, ça sert à la justice. Nous ne sommes pas des primitifs ou une société de sauvages. Nous sommes une société d’humains. Comment voulez-vous parler de cohésion sociale dans un pays où il n’y a pas de justice ? 34 ans après, la justice et la vérité ne se périment jamais. Avant que les familles ne pardonnent, il faut bien que quelqu’un reconnaisse ses fautes. Même la Bible le dit : Une faute avouée est à moitié pardonnée », a soutenu Me Farama.

Pour Me Farama, contrairement à ce que les gens pensent, ce procès n’est pas une affaire de « Sankaristes » contre « Blaisistes ». « Thomas Sankara, est un symbole et ce ne sont pas les familles des victimes qui ont décidé d’en faire un héros. Mais le minimum qu’on puisse rendre à un héros, c’est la vérité sur les conditions de son assassinat » a demandé l’avocat.

Démonstration de la complicité d’assassinat

Avant d’entamer sa démonstration sur les faits qui inculpent l’accusé, Me Farama a pris le soin de décrire la personnalité des trois hommes clés de cette affaire notamment Blaise Compaoré, Hyacinthe Kafando et Gilbert Diendéré. Mais seul Gilbert est présent. Selon Me Farama, l’accusé Gilbert Diendéré est un homme calme, sympathique et très intelligent. Son seul défaut, il a mal à la responsabilité. Gilbert n’assume jamais ses responsabilités. Pour preuve, le procès David Ouédraogo, le coup d’état de 2015 et le procès Thomas Sanakara et autres. Dans tous ces procès, à chaque fois lorsqu’on lui pose la question, je ne suis pas responsable.

Mariam Sankara et une amie à la fin de l’audience©infoh24

Pour ce qui est de la complicité d’assassinat, il part du principe de l’instigation. Puis il s’engouffre dans les pièces du dossier notamment sur la base des témoignages et indices. En basant sur ces deux éléments, l’avocat soutient que Gilbert Diendéré a pris la résolution d’organiser la troupe pour l’exécution du coup d’état qui s’est soldé par la mort de Thomas Sankara et de ses compagnons. Mieux, il a évoqué entre autres sur deux faits. Il part du fait que l’accusé Diendéré a donné l’ordre à Abderrahmane Zétiyenga de ne laisser personne accéder au conseil après le passage du cortège du président Sankara.  Ce qui est interprété par l’avocat comme une sécurisation de l’opération.

Puis la suspension de la ligne téléphonique de l’Escadron de Transport et d’intervention Rapide (ETIR) basé à Kamboinsé , qui pouvait intervenir rapidement au conseil en cas d’attaque, ainsi que l’arrêt du ravitaillement en munitions de la sécurité de Thomas Sankara plusieurs mois avant le drame du 15 octobre 1987. Et selon,  Me Farama, Gilbert Diendéré avait le pouvoir d’empêcher l’assassinat du père de la révolution en sa qualité d’homme de sécurité mais il n’a rien fait. Un acte qualifié de complicité par inaction ou abstention. Ces faits sont corroborés même dans le témoignage de l’accusé.

Pour Me Farama, le témoin veut montrer qu’il n’était pas au conseil au moment des faits. Puisqu’il sait que si sa présence est confirmée,  il aura du mal à expliquer son inaction malgré les coups de feu. Concernant sa présence au terrain de sport, l’avocat trouve curieux qu’aucun témoin après toutes ces années ne se souvienne l’avoir vu.

Des membres de la famille Sankara au procès©infoh24

Puis il s’interroge, pourquoi il n’a pas fait usage de son talkie-walkie pour appeler afin de comprendre ce qui se passait après les premiers coups de feu. Il a préféré aller pour voir de ses propres yeux malgré qu’il ne fût pas armé, se questionne Me Farama. Mais quel « Drôle de courage », moque l’avocat qui interpelle le tribunal. C’est parce qu’il savait qu’il ne courait aucun danger car c’était ses hommes. Donc pour lui l’infraction de complicité d’assassinat est constituée.

Démonstration de l’attentat à la sûreté de l’état

Pour Me Farama, l’accusé Gilbert Diendéré a posé des actes qui illustrent qu’il faisait partie du complot pour renverser le régime de Thomas Sankara. Telle est  la conviction de Me Prosper Farama et pour preuve. La réouverture de la ligne téléphonique de l’ETIR après le coup et le bouclage de toutes les sorties de la ville après l’opération pour parer à toute attaque, l’envoi des troupes à Koudougou pour étouffer une rébellion, assassinat de Vincent Sigué et Michel Koama par des éléments du CNEC etc. Ce sont des actes convaincants posés par Gilbert Diendéré pour consolider le putsch, selon l’avocat.

Ensuite, l’avocat prend un élément à charge contre l’accusé.  Le témoignage de Étienne Traoré, qui soutient que Blaise Compaoré l’avait dit  que Gilbert Diendéré avait levé la main et ses éléments ont pensé qu’il fallait attaquer. Et l’avocat de se convaincre que la main levée était un code ou un signe, ce qui suppose qu’il y a eu entente entre Gilbert Diendéré et ses éléments. Donc pour lui, Gilbert Diendéré a collaboré au complot du coup d’Etat du 15 octobre 1987.

A la suite de Me Farama, Me Anta Guissé entre en scène.

Selon elle,« le volet international du procès Thomas Sankara est toujours en instruction. Elle a aussi précisé que les avocats des parties civiles sont dans l’attente de la désignation officielle du successeur du juge Yaméogo François ».

Pour camper sa plaidoirie, elle soutient qu’ « on n’aura pas toute la vérité à ce procès. Il y a des auteurs identifiés et des infractions, mais ce n’est qu’un pan de la vérité. Nous sommes inquiets de n’avoir pas eu de suite sur le remplaçant du juge d’instruction Yaméogo chargé de poursuivre le volet international de cette affaire. Le combat des familles des victimes n’est pas terminé. Il y a un certain nombre de personnes à auditionner comme Christophe Mitterrand, responsable de la cellule Afrique de l’Elysée. Nous espérons qu’ils seront entendus dans le cadre d’une commission rogatoire », a déclaré Me Anta Guissé, l’une des avocates des ayants droit de feu Thomas Sankara.

Des membres de la famille Sankara et Me Anta Guissé en échange après la suspension de l’audience©infoh24

Selon elle toute la vérité ne sera pas dite dans ce procès avec la défection de Blaise Compaoré et de Hyacinthe Kafando et du fait que certains témoins ont fait des dépositions du bout des lèvres. « L’histoire de Thomas Sankara n’est pas simplement votre histoire. C’est aussi l’histoire de l’Afrique et de tous ces enfants d’Afrique qui étaient à l’extérieur et qui, en 1987, ont vu l’espoir d’une autre Afrique. Le message que Thomas Sankara portait est actuel (…)» a soutenu, Me Anta Guissé.

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