Dans le cadre de la rentrée scolaire 2021-2022 au Burkina Faso, la F-SYNTER a signé une déclaration dans laquelle elle dépeint un système éducatif malade. Les maux sont, selon ce syndicat, sont légion. Face à cela, la F-SYNTER n’entend pas jouer le spectateur.
La rentrée académique et scolaire 2021-2022 s’effectue dans un contexte marqué, au plan international, par l’aiguisement de la crise du système capitaliste, impérialiste. Une crise structurelle et multilatérale qui a pris une dimension plus accrue avec l’apparition le 27/11/2019 à Wuhan en Chine, du coronavirus. Elle étale ainsi, la laideur immorale, mais aussi l’incapacité du système capitaliste impérialiste, à apporter des réponses convenables aux préoccupations des peuples malgré l’avancée extraordinaire de la science et de la technologie. L’Afrique elle, est le théâtre de groupes armés terroristes, d’occupation de ses territoires par des armées étrangères, de coups d’Etat, de succession dynastique, etc., avec en toile de fond, le pillage de ses immenses ressources naturelles. Comme ailleurs, la gestion de la crise sanitaire s’y est faite dans une posture de son exploitation en vue de remettre davantage en cause les libertés et des acquis de la classe ouvrière et des peuples. Il en résulte un manque d’anticipation réelle sur les conséquences de la pandémie et l’installation dans les esprits des populations d’un scepticisme quant à a réalité de ce fléau.
Au Burkina Faso, la situation se caractérise par la faillite du système néocolonial dont les piliers essentiels sont fortement ébranlés depuis l’insurrection populaire d’octobre 2014 et la résistance au putsch de septembre 2015. Ainsi, la réconciliation nationale agitée a pour but de solder à peu de frais les crimes de sang et économiques. Un autre trait caractéristique de la situation nationale est celle de la vie chère avec la montée effrénée des prix des produits de premières nécessités. Pendant ce temps, la mauvaise gouvernance et la corruption rampante sont érigées en mode de gestion par le régime en place. L’effondrement d’infrastructures publiques dont plus de cent dans le seul secteur de l’éducation et de la recherche et le placement récent du pays sous surveillance pour blanchissement de capitaux en sont des illustrations. Ce contexte est aggravé par l’insécurité qui empêche les populations de nombreuses localités du pays de mener leurs activités de survie. Outre les milliers de morts aussi bien militaires que civiles qu’elle a occasionnés, il en a résulté officiellement au 31 août 2021, aux dires du Ministre de l’Action sociale, Laurence ILBOUDO, « 1 423 378 personnes déplacées internes ». Des parties entières du territoire national échappent désormais au contrôle de l’Etat. En clair, le pays se trouve dans une situation de guerre civile réactionnaire.
Dans le secteur de l’éducation et de la recherche, le substrat de la politique mise en œuvre depuis quelques années repose sur les orientations suivantes des puissances et institutions impérialistes : réduction du nombre annuel de diplômés dans l’enseignement supérieur tout en freinant son augmentation dans la plupart des autres ; autorisation auprès des bénéficiaires d’une part accrue des coûts réels de l’enseignement ; augmentation du temps d’occupation des enseignants et des équipements ; institution de prêts aux étudiants ; développement de formule des études extra-muros ; etc. Ces orientations mises en œuvre par les gouvernements successifs de notre pays sont reprises par celui de Rock Marc Christian KABORE. Son gouvernement, pour imposer cette politique réactionnaire, anti-éducative, s’est inscrit dans une démarche de remise en cause des acquis et libertés et de répression sauvage des acteurs du système en lutte pour sauver l’école burkinabè et pour de meilleures conditions de vie et de travail. A ce titre, on retiendra :
- La répression des acteurs de l’éducation et de la recherche en lutte, et qui s’est soldée par la mort d’élèves et des blessures graves pour certains en mai 2021 ;
- la suspension de salaires illégale de plus de sept cents travailleurs ;
- la suspension de la mesure de gratuité scolaire de 6 à 16 ans qui devait entrer dans sa phase intégrale pour compter de l’année scolaire 2020-2021 ;
- le déni d’engagements pris dans les protocoles de 2016 pour le supérieur et la recherche et de 2018 pour l’éducation nationale ;
- le blocage de la carrière des ingénieurs de recherche et des enseignants à temps des établissements d’enseignements supérieur et de la recherche ;
- l’indisponibilité des cantines dans les établissements durant les 9 mois de l’année scolaire comme convenu dans le protocole d’accord avec les syndicats en 2018 ;
- la suppression des examens blancs qui constituent des commodités pédagogiques convenues depuis des décennies pour la bonne préparation des élèves aux examens scolaires ;
- l’orientation chaotiques des nouveaux bacheliers obligeant certains à renoncer à la poursuite d’études supérieures ;
- les affectations arbitraires sous le couvert de nécessité de service ;
- les tracasseries contre des responsables syndicaux dont la traduction en conseil de discipline du Secrétaire Général de la CGT-B ;
- la fusion des circonscriptions d’éducation de base ;
- la réduction du nombre de boursiers au post-primaire et secondaire qui est passé de 8000 en 2018 à 4000 en 2020 ;
- etc.
Les plus récentes attaques du gouvernement ont porté sur des réformes des examens et la fermeture des lycées Philippe Zinda Kaboré et départemental de Bissiga. Les réformes des examens dont une des premières mesures a consisté à supprimer l’option de deux sujets au choix au niveau des épreuves de Sciences de la Vie et de la Terre et d’Histoire-géographie pour compter de la session du BEPC de 2021 a contribué à un taux d’échec de plus de 72% à ladite session. Quant à l’arrimage du Baccalauréat au Ministère de l’Education nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues nationales (MENAPLN), qui est en cours, l’objectif est d’empêcher l’accès aux universités publiques des enfants du peuple comme cela se passe en Côte-d’Ivoire où l’examen du Baccalauréat session de 2021 a enregistré 87 095 lauréats dont 69 332 des admis ont demandé une orientation dans une université publique. Toutefois, il ressort que les bacheliers respectant les critères d’accès sont de 12 913 soit 18,62% des demandeurs. Les choses sont, on ne peut plus claires, surtout que ce pays est abondamment cité en référence par les autorités sur l’arrimage du baccalauréat au ministère de l’éducation nationale !
Les fermetures des deux lycées ci-dessus évoqués, elles, ont pour objectif de créer une psychose dans une logique de répression des acteurs de l’éducation et de la recherche notamment ceux qui se battent autour des problèmes du secteur. C’est pourquoi, les raisons avancées par le sieur Ouaro et ses lampistes pour justifier ces fermetures ne peuvent résister à l’analyse, et posent des problèmes de principes liés à la conception de l’éducation dans une société. En effet, l’éducation est une affaire de toutes les composantes de la nation. Elle n’est point la « chose » d’un parti fut-il au pouvoir. Les parents d’élèves et les acteurs directs de l’éducation que sont les personnels et les apprenants, au regard de leur apport pour le développement du système, des sacrifices qu’ils consentent pour réaliser les tâches inhérentes à l’action éducative dans notre pays, en sont des maillons importants. Il est donc inadmissible que le gouvernement et son activiste de Ministre qu’est le sieur Ouaro pensent qu’ils ont le droit de décider à eux tous seuls de ce que doit être le système éducatif. Les raisons avancées sur la fermeture du Lycée Zinda elles, sont évolutives, cousues de mensonges éhontés ; preuves de leur inconsistance et de ce qu’elles cachent des intentions inavouables. Les conséquences de cette mesure sont extrêmement lourdes et impactent négativement les élèves, les parents d’élèves, le personnel et l’ensemble du système éducatif. En plus du dépaysement qu’elle créera pour de nombreux élèves synonyme de risques d’échecs, la répartition de ceux-ci dans d’autres établissements conduira certains à l’abandon du chemin de l’école. Sur un effectif de 3700 élèves annoncés, la Direction provinciale de l’éducation du Centre n’a pu réaffecter et cela de façon chaotique que 1885 d’entre eux. Que sont devenus les autres ? Il est aisé de l’imaginer ! Ceux dont les parents ne disposent pas de moyens financiers pour les inscrire au privé iront grossir le lot des enfants déscolarisés. Pour le personnel, outre les désagréments liés à des affectations à cette étape de la rentrée, le personnel d’appui lui, ira inéluctablement au chômage. Encore que les affectations entraineront des sureffectifs dans certains établissements et serviront de prétexte pour des redéploiements arbitraires plus tard. De plus, ce lycée compte 75 classes ; ce qui représente un effectif global minimal de 4500 élèves. Sa fermeture induit une suppression de ces 4500 places, mais en même temps, elle bouche 4500 autres à travers la commune de Ouaga la privant d’un potentiel de près de 9 000 places. Au moment où des écoles sont fermées par des terroristes, jetant dans la nature plus 300 000 élèves, il est inacceptable que le gouvernement lui-même prenne des décisions qui accentueront cette situation de privation des élèves de leur droit à l’éducation. En ce qui concerne la fermeture du lycée de Bissiga, intervenue depuis février 2021 jusqu’à ce jour, elle a conduit à une non-finalisation de l’année scolaire 2020-2021 pour l’ensemble des élèves de la 6ème à la Tle. Le gouvernement, à travers le Ministre Ouaro, est dans une posture de non-ouverture de l’établissement pour cette rentrée et aucune disposition n’a été prise concernant la suite de la scolarisation des élèves. Lorsqu’un père de famille sensé, de surcroit président d’un parti au pouvoir, se glorifie de tels actes criminels d’un Ministre, il y a de quoi s’inquiéter énormément pour l’avenir de ce pays ! Heureusement que notre peuple, et partant les acteurs du système éducatif savent apporter la réponse adéquate à ce genre d’individus et leur cynisme.
L’application au forceps du LMD elle, a aggravé la situation des universités, engendrant un chevauchement sans fin des années académiques. Plus d’un millier de nouveaux bacheliers de la session du baccalauréat de 2020 n’a pu s’inscrire pour des études supérieures, du fait des difficultés d’orientations. Pour l’année académique 2020-2021, aucun bachelier n’a été orienté à l’UFR/SVT de l’université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou. Quant aux centres universitaires de Tenkodogo, Dori, Ziniaré, Manga, Banfora, Gaoua et Kaya, aucun d’eux ne dispose d’un site autonome.
Dans cette dynamique de mise en œuvre par le gouvernement de mesures qui exacerbent la crise du système éducatif, la convocation d’assises nationales sur l’éducation n’aura d’autres visées que la poursuite et le durcissement de la remise en cause des acquis et des libertés. Cette foire, sera l’occasion pour lui d’affiner sa politique antipopulaire actuelle en matière de privatisation tout azimut du système, de recul sur la gratuité de l’éducation, l’organisation des examens, l’octroi de bourses aux apprenants, la dotation des écoles en cantines, les libertés d’organisation et de manifestations des acteurs du système éducatif, et le financement du secteur, de dégradations des conditions de travail à travers le maintien des effectifs pléthoriques, d’indisponibilité ou insuffisances des manuels scolaires, des équipements pédagogiques, de non-respect des engagements pris avec les partenaires sociaux, etc.
Tenant compte de ce qui précède, le Bureau National Fédéral de la F-SYNTER :
- Interpelle les travailleurs sur la gravité de la situation dans l’éducation et la recherche, annonçant des lendemains sombres d’autant plus que le Premier Ministre annonce que les réformes contenues dans le programme du Président seront appliquées dans le dernier trimestre de l’année 2021 ;
- Invite les structures et les militants à travailler au renforcement de l’unité d’action à la base entre travailleurs mais aussi entre les travailleurs et les autres acteurs directs de l’éducation et de la recherche (parents, élèves, étudiants, structures associatives dans l’éducation, etc.) ; gage d’une mobilisation forte et indispensable autour des problèmes du système éducatif ;
- Appelle l’ensemble des acteurs et tous ceux qui sont soucieux du développement et de la qualité de l’éducation et de la recherche à la mise en œuvre d’actions communes pour l’avènement d’une éducation de qualité pour tous ;
- Exige du gouvernement :
- L’annulation des toutes les mesures d’agression prises ces derniers mois contre le système éducatif et ses acteurs par l’ouverture immédiate et sans condition du lycée Philippe Zinda Kabore de Ouagadougou et de celui de Bissiga et à l’abandon des réformes sur les examens dont l’arrimage du baccalauréat au MENAPLN ; l’ouverture d’enquêtes sur les assassinats et les blessures d’élèves lors des manifestations des mois d’avril et de mai 2021 ;
- L’arrêt des attaques du gouvernement contre les libertés démocratiques et syndicales dans le secteur de l’éducation et de la recherche ;
- L’application de tous les points des protocoles d’accord gouvernement/syndicats conclus à l’enseignement supérieur et au MENAPLN ;
- la restitution des salaires du mois de Mars 202O des centaines de travailleurs du MENAPLN avec indemnisation pour le préjudice subi.
Les acteurs de l’éducation n’assisteront pas en spectateurs passifs à la destruction dans une large échelle de leur cadre de travail et de leurs droits par un gouvernement qui a suffisamment montré son incapacité à résoudre les graves problèmes qui affectent la vie des populations. L’état du climat social dans le secteur de l’éducation et de la recherche pendant l’année scolaire et universitaire 2021-2022 dépendra de l’attitude du gouvernement et sa dégradation relèvera de son entière responsabilité.
En avant pour la défense des acquis sociaux et des libertés dans le secteur de l’éducation et de la recherche !
En avant pour la défense d’une école gratuite et accessible à tous !
Pain et liberté pour le peuple !
Pour le Bureau national fédéral
Souleymane BADIEL
Secrétaire Général