L’industriel français, Vincent Bolloré a plaidé coupable dans un dossier de corruption ce vendredi 26 février 2021, devant le tribunal judiciaire de Paris (France). Ce dossier, c’est celui, en 2009, de la prolongation et extension de la concession du port de Lomé, au Togo. Et cela concerne un continent, l’Afrique, à l’origine de sa fortune estimée à 5,7 milliards d’euros.
Les juges d’instruction ont établi que le magnat des médias et son groupe avaient payé 370 000 euros de dépenses de communication au président togolais Faure Gnassingbé, afin d’obtenir des contrats et avantages fiscaux sur le port de Lomé. Vincent Bolloré, le groupe Bolloré SE et deux autres cadres ont reconnu les faits, afin de s’éviter ainsi un procès. Mais le tribunal n’est pas cette optique. Coupable oui, mais pas d’arrangements semblent dire les juges du tribunal judiciaire de Paris.
Cette saga judiciaire qui a démarré voilà dix ans concerne l’un des hommes les plus puissants de France. Vincent Bolloré, l’homme fort des médias dans l’Hexagone a opté de reconnaitre les faits. Mais sa stratégie est tombée à l’eau.
Le dossier, c’est celui de la prolongation et l’extension de la concession du port de Lomé, au Togo en 2009. Et cela concerne un continent, l’Afrique, qui est à l’origine de sa fortune estimée à 5,7 milliards d’euros par le magazine « Challenges ».
Le rôle du port de Lomé
Au terme de son instruction, la juge Aude Buresi, longtemps épaulée dans ce dossier par Serge Tournaire, a estimé qu’un pacte de corruption a été scellé entre la direction du groupe Bolloré et le président du Togo avant sa réélection en mars 2010. Le 10 août 2009, Vincent Bolloré écrivait en effet à Faure Gnassingbé son espoir que son groupe joue « un rôle moteur sur le port de Lomé ».
Dans les mois qui ont suivi, le groupe Bolloré SE a payé pour 370 000 euros de dépenses de communication, fournies essentiellement par sa filiale Havas, au président en campagne. En juillet 2011, le groupe a aussi nommé le demi-frère du président, Patrick Bolouvi, directeur général de la filiale d’Havas au Togo.
En contrepartie, le groupe Bolloré aurait obtenu la prolongation de plusieurs contrats d’exploitation sur le port de Lomé et divers avantages fiscaux pour sa filiale Bolloré Africa Logistics, ainsi que la construction d’un troisième quai.
Après plusieurs semaines de négociations avec le Parquet national financier, le groupe Bolloré SE a accepté la Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) qui lui était proposée. Cette procédure récente en droit français (sa création remonte seulement à 2016) offre la possibilité à un groupe poursuivi pour corruption de reconnaître les faits et d’éviter un procès.
En contrepartie, le tribunal pourrait lui imposer une forte amende ainsi que la mise en place d’un programme interne de lutte contre la corruption. En même temps, Vincent Bolloré, Gilles Alix, directeur général du groupe Bolloré, et Jean-Philippe Dorent, directeur international de l’agence de communication Havas, ont accepté une procédure analogue de plaider coupable, applicable aux personnes physiques, appelée Reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Eux aussi ont voulu s’éviter un procès en échange d’une amende.
C’est en s’intéressant aux liens existants entre Jean-Philippe Dorent et une société spécialisée dans les jeux et les casinos, basée à Barcelone et dirigée par un Français, la Pefaco (qui ne sera finalement pas inquiétée), que les juges en sont venus, en 2014, à enquêter sur la manière dont le groupe Bolloré avait obtenu plusieurs contrats portuaires en Afrique. Il n’y a pas que le cas togolais.
La concession du port de Conakry, en Guinée
Elu à la présidence en décembre 2010 et ami de vingt-cinq ans de Vincent Bolloré, Alpha Condé avait, trois mois après son arrivée au pouvoir, signé un décret pour expulser le précédent exploitant du port, le groupe français Necotrans, et y installer Bolloré Africa Logistics. Sans préavis et sans lancer d’appel d’offres.
Le fondateur de Necotrans, Richard Talbot, aujourd’hui décédé, avait immédiatement soupçonné des faits de corruption. En 2011, Talbot avait déposé plusieurs plaintes, dont une pour « corruption internationale » qui sera classée sans suite au bout de trois mois par le parquet de Nanterre.
Et ce sont ces premières plaintes, pourtant infructueuses, qui ont conduit la chambre de l’instruction à estimer, en juillet 2019, que ce volet du dossier était prescrit. Les faits étant connus de la justice de longue date, celle-ci aurait dû lancer des investigations plus tôt, ce qui n’avait pas été le cas en 2011.
En revanche, la chambre de l’instruction avait estimé que l’autre volet de l’affaire, visant les conditions d’obtention de la concession du port de Lomé en 2009, n’avaient été portées à la connaissance de la justice que six ans plus tard, à l’occasion d’une perquisition du bureau de Jean-Philippe Dorent, chez Havas. Mais, sur le fond, le groupe Bolloré aurait utilisé sa filiale de communication Havas afin d’obtenir des contrats pour sa filiale de gestion d’infrastructures portuaires Bolloré Africa Logistics.
L’amende maximale encourue
Le 7 janvier 2021, Vincent Bolloré a accepté de plaider coupable des faits de corruption et de complicité d’abus de confiance. Il aurait accepté d’en assumer la responsabilité, mais seulement en sa qualité de président de Bolloré. Gilles Alix, directeur général du groupe, ainsi que Bolloré SE comme personne morale auraient reconnu les faits d’abus de confiance et complicité et de corruption, tandis que Jean-Philippe Dorent, directeur international d’Havas, aurait reconnu les faits de complicité d’abus de confiance.
Pour la corruption, l’amende maximale encourue est de 150 000 euros pour les dirigeants et de 750 000 euros pour Bolloré SE. Pour les faits d’abus de confiance, l’amende maximale atteint 375 000 euros pour les dirigeants et 1,875 million d’euros pour le groupe.