On a l’impression qu’au Burkina Faso, l’on a un problème avec le mérite et la valeur à accorder à toute chose. Je suis choqué qu’on attribue simplement le grade de chevalier de l’étalon à Yoro. C’est beaucoup peu valeureux et moins honorable comme reconnaissance de la nation comparé à son sacrifice et au patriotisme hors pair dont il a fait montre.
Pour le magnifier à la hauteur de son action, il ne pouvait que mériter de la médaille d’honneur militaire. Celle-là que reçoivent les officiers de l’armée pour service et dévouement à la nation. Surtout que la règle n’interdit pas qu’un civil reçoive une médaille militaire à titre exceptionnel. Les soldats avec lequels Yoro combattait les terroristes et qui sont tombés au champ d’honneur reçoivent la médaille militaire. Pourquoi pas lui? Il faisait aussi la guerre et combattait militairement.
Mieux, il commandait des troupes sans être officier. C’est ce qui justifie que sa dépouille ait reçu les honneurs militaires.
À défaut, si on ne voudrait pas lui faire mériter de ce droit qu’il avait d’obtenir une médaille d’armée, peut-être pour une quelconque susceptibilité, Yoro devait au moins bénéficier, sans autre forme de considérations, d’une élévation à la dignité: Grand officier ou grand-croix. Ce ne serait pas trop lui donner.
Son courage et son sens du sacrifice relèvent de l’extraordinaire et vont au-delà de la raison. Dans le Burkina d’aujourd’hui c’est plus qu’un mythe que quelqu’un accepte mourrir pour son peuple. Au moment où tout le monde nage dans un égoïsme outrancier et un individualisme obscène et déshumanisant.
On peut aimer ou ne pas aimer Yoro pour x ou y raison. Mais on ne saurait nier l’acte d’honneur, de dignité et de bravoure qu’il a posé. C’est un grand homme, nous devons le lui rendre dans l’honnêteté et la gratitude totales. Une nation vaut par ses symboles et c’est l’ensemble des symboles qui fermente et vivifie la mémoire historique et collective. Cette mémoire ne doit point être trahie.
Nous sommes enclins à citer des hommes célèbres, des grandes figures de l’histoire française, américaine, anglaise, japonaise d’autres grandes nations. Mais on ne se demande pas comment ces grandes figures sont devenues des mythes et rendues immortelles dans la mémoire humaine. Ici il ne s’agit pas de dénigrer qui que ce soit. Mais d’exiger, sous l’angle de la morale, la restitution, plus qu’un droit, d’une dette de la République vis-à-vis d’un patriote et républicain qui n’est plus du monde des vivants.
Il s’agit d’un homme dont l’héritage aura été de redonner sens à une société en décadence morale et civique, dans laquelle l’on avait oublié ce qu’est l’amour de la patrie, le sacrifice, le courage, la bravoure, l’altruisme, le désintéressement, l’honneur, la dignité et l’intégrité.
Après Norbert Zongo en 1998, Ladji Yoro est le héros incontestable, qu’on le veuille ou non, de ces vingt dernières années. Il n’est pas encore tard pour mieux le consacrer.
Lookmann Sawadogo
Journaliste –éditorialiste